, , , ,

Quinoa - by médialab sciences po

Entre violence et confiance, l'épisiotomie : une double coupure

Loading ...

Entre violence et confiance, l'épisiotomie : une double coupure

Ophélie Laurin, Lamia Mounavaraly, Violette Mouro, Laure Piolle, Auriane Polleau

Introduction

“Une série d’événements médiatiques ces deux dernières années, allant pour l’un d’entre eux jusqu’à provoquer une prise de position des pouvoirs publics, a traduit et alimenté une récente montée des préoccupations sociales autour des conditions d’accouchement en France, et plus généralement autour de la question du vécu des usagères du système de santé en gynécologie et en obstétrique.”(Audibert, 2016)

Ce contexte particulier, marquant la société française depuis 2014, a fait émerger des questionnements autour des pratiques médicales et chirurgicales réalisées pendant l'accouchement. En particulier, l'épisiotomie fait l'objet d'une controverse.

L’épisiotomie est un acte chirurgical qui peut intervenir durant l’accouchement et qui consiste en une incision du périnée sur une longueur d’environ 6 centimètres, réalisée dans le but de faciliter la sortie de l’enfant et de prévenir les déchirures naturelles du périnée et les lésions du sphincter anal.

Medio-lateral-episiotomy

Source: Wikimedia Commons

L’épisiotomie n’est pas une pratique anodine, elle concerne un grand nombre d’accouchements (20% environ aujourd’hui en France - 35% pour les primipares et 10% pour les multipares). Cependant, les disparités entre les différents établissements de santé sont conséquentes : entre 1 et 65%(Motet & DURAND, 2018) .

Les taux d'épisiotomie en France par région

Source: Le Monde

Pourquoi ces différences ? L'épisiotomie est-elle utile ? Sa pratique est-elle justifiée ? La libération de la parole des femmes à propos des conditions d'accouchement en France depuis 2014 s'accompagne de questionnements autour de cette pratique.

En juillet 2017, l'Etat français se sasit de la question : c'est le Haut Conseil chargé de l'Egalité entre les femmes et les hommes qui, incarné par Marlène Schiappa présente devant le Sénat, demande l'écriture d'un rapport sur les violences obstétricales.

Considérant à la fois l’émergence de témoignages sur les violences obstétricales, la prise de position des pouvoirs publics, et la réaction des membres du corps médical, il convient de se demander :

Comment la controverse autour de l'épisiotomie agit-elle sur la relation entre les soignants et les soignées ?

Autour de la pratique controversée que constitue l’épisiotomie s’articulent à la fois les revendications des femmes en faveur d’une meilleure prise en compte de leur vécu pendant l’accouchement, et le difficile exercice de la profession des soignants face à la remise en cause de leur bienveillance et de leur légitimité, et soumis aux pressions institutionnelles du système hospitalier. On expliquera alors comment la combinaison de ces deux aspects aboutit à un effritement de la confiance dans la relation soignants-soignées.

I De sa généralisation à sa remise en cause, une controverse qui s’installe

Alors que la systématisation de l’épisiotomie ne s’appuie sur aucune preuve scientifique, la production de preuves joue un rôle crucial dans sa remise en cause.

Emergence et généralisation de la pratique

Traditionnellement, les femmes accouchaient chez elles, assistées par une matrone et les femmes de la famille. On donnait alors la vie au risque de mourir, puisque le taux de mortalité des mères atteignait 1 à 2 % en France alors, qu’il est aujourd’hui de 1 mère sur 10 000. On accouchait dans des positions “naturelles”, comme le ressentait la femme pour faciliter au maximum l’expulsion du nouveau-né, grâce à la gravité ou en prenant des positions qui permettent une meilleure ouverture du bassin.

Des exemples de positions d'accouchement alternatives

A partir du XVIIème siècle, certaines femmes aisées ont commencé à faire appel à des médecins ou chirurgiens chez elles, tandis que les plus pauvres allaient dans les hôpitaux insalubres qui favorisaient les risques d’infection et de mortalité. La plupart des femmes continuait à accoucher à domicile, sans médicalisation. Avec les progrès de la médecine, les hôpitaux deviennent plus sûrs et les taux de mortalité infantile et maternelle baissent vers la fin du XIXème siècle. On cherche la sécurité absolue de la mère et de l’enfant en incitant les femmes à accoucher à la maternité : c’est la mise en place du dogme de la sécurité. En 1952 plus de la moitié des françaises accouchent à l'hôpital, ce taux augmente jusqu’à atteindre 85 % en 1962, puis 96 % en 1974. On observe dans le même temps une baisse des taux de mortalité. La préoccupation principale reste la sécurité de la mère et du bébé. Pour la garantir, on se prépare aux quelques cas à risques - les accouchements pathologiques - et on met tout en oeuvre pour faciliter la tâche du gynécologue obstétricien qui intervient dans ces accouchements particuliers. Avec la démocratisation de l’accouchement en maternité, il s’est progressivement médicalisé. L’épisiotomie est un des actes chirurgicaux sur lesquels reposent cette médicalisation de l'accouchement.

Les premières épisiotomies mentionnées dans des écrits scientifiques datent du XVIIIème siècle. Sir Fielding Ould, un obstétricien irlandais décrit pour la première fois la pratique de l’épisiotomie en 1742 dans son ouvrage A treatise for Midwifery(OULD, 1742). En Amérique du Nord, c’est RM Taliaferro qui décrit en 1852 une épisiotomie dans un article intitulé Rigidity of soft parts: Delivery effected by incision in the perineum. Il s’agit donc d’une pratique ancienne. C’est à partir du XXe siècle que la pratique va se diffuser, jusqu’à devenir quasi-systématique dans les années 1970, quand l'accouchement en maternité devient la norme.

Selon Ian Graham, "the acceptance of routine episiotomy had to do with a shift in the conceptualization of the nature of childbirth. During the 1920s and 1930s obstetricians effectively recast childbirth as a pathogenic and pathological process."(Graham, s. d.). C’est en effet la conception du docteur Joseph Bolivar DeLee, obstétricien américain des années 1920 en partie responsable de la routinisation de la pratique de l’épisiotomie.

Le Dr DeLee

Wikipédia

Le docteur DeLee est persuadé que l’accouchement est par nature dangereux, tant pour la femme que pour l’enfant.

“If you believe that a woman after delivery should be as healthy, as well, as anatomically perfect as she was before, and that the child should be undamaged, then you will have to agree with me that labor is pathogenic, because experience has proved such ideal results exceedingly rare.”

Face à la fréquence élevée des complications lors des accouchements, il arrive à la conclusion qu’il faut médicaliser l’accouchement le plus possible pour le garder sous contrôle. Il propose donc une série de mesures, dont la pratique systématique d’une large épisiotomie médio-latérale. Selon DeLee, pratiquer une épisiotomie de manière prophylactique, c’est à dire préventive, permet d’éviter les déchirures du périnée, et les risques d’incontinence urinaire et fécale qui font suite aux déchirures graves du périnée. Le docteur DeLee dispose d’une large audience, et ses idées vont se répandre rapidement, d’abord aux Etats-Unis et en Europe, puis dans le reste du monde. L’épisiotomie devient systématique, même dans les accouchements à bas risques. Ainsi en France en 1998, le taux d’épisiotomies pour les primipares est de plus de 70%.

Les justifications médicales de l'épisiotomie

A l’origine, on pratiquait l’épisiotomie pour deux raisons principales : prévenir les déchirures naturelles du périnée et leurs conséquences, les risques d’incontinence et de prolapsus, ou descente d’organe ; et accélérer la naissance en cas de souffrance foetale. Cependant, comme l’explique le Dr Israël Nisand1 , ces justifications ne se basaient sur aucune preuve scientifique.

“L’épisiotomie a été instituée dans le monde médical il y a une soixantaine d’années, même un petit peu plus, à l’époque où on ne faisait pas de la médecine fondée sur les preuves. Aujourd’hui quand on veut installer un nouveau geste, un nouveau médicament ou une nouvelle procédure, on essaye d’abord d’avoir de vraies preuves de l’efficience, de l’efficacité, de l'innocuité… On fait la balance bénéfice-risque. A l’époque c’était juste de l’avis d’expert, le grand patron machin truc, qui, les doigts mouillés dans le vent, disait “il faut faire des épisiotomies”, et imposait à tout son service d'en faire sans qu'on ait aucun élément de preuve.”

La prédominance de la parole du “grand patron” évoqué par le Dr Nisand s'inscrit dans un contexte médical très favorable au médecin. En effet, dans les maternités, les médecins sont en position de force, et tout est fait pour minimiser les risques graves. La priorité est que la femme et l’enfant soient en bonne santé. Les médecins apprennent dans leurs études à gérer des accouchements à risques qui nécessitent des extractions instrumentales, césariennes, etc… c’est à dire des accouchements pathologiques, mais pas des accouchements “normaux”, par voie basse spontanée sans complications. Or, lors de ces accouchements à risques, la position la plus favorable est la position dite traditionnelle : la femme allongée sur le dos, les pieds dans les étriers. Elle permet au gynécologue-obstétricien de voir et d’avoir accès au périnée de la dame, et de gérer l’utilisation des instruments qui servent à faciliter l’expulsion du bébé. Comme les médecins ont le pouvoir dans l’hôpital, le reste du corps médical et les patientes s’adaptent à eux, la position traditionnelle est donc généralisée même pour les accouchements à bas-risque, qui ne nécessitent pas de forme médicalisation a priori, mais uniquement l'intervention d’une sage-femme.

D’après les intervenantes de la conférence Les Corps des femmes(Conférence Le corps des femmes organisée par le CERVYX, dont une table ronde animée par Lauren Bastide : « Maltraitances gynécologiques et obstétricales »., 2018) , cela est dû au fait qu’il est “inimaginable” qu’un médecin, ayant fait 12 ans d’études, se mette dans une position inconfortable pour que la femme accouche. Elle doit donc s’adapter au médecin en accouchant dans la position traditionnelle. De plus, le recours à la péridurale très élevé en France (près de 80% des femmes) implique que les positions verticales sont plus difficiles à tenir.

On a donc, découlant du dogme de la sécurité à la naissance et produit sous l'impulsion des médecins au sommet de la hiérarchie du système de santé, l'émergence d'un modèle médical progressivement appliqué à tous les accouchements. Or, ce modèle médical a un impact sur le taux d’épisiotomies: en effet, la position traditionnelle implique une ouverture du vagin moins importante et une plus grande difficulté pour l’expulsion, ainsi qu’une plus grande tension sur le périnée. Cela accroît les risques de déchirures et augmente le recours à l’épisiotomie, favorisant ainsi en retour la médicalisation de l’accouchement. De plus, l’accouchement médicalisé implique plus d’extractions instrumentales, pour lesquels les taux d’épisiotomies sont plus élevés que lors des accouchements par voie naturelle. En effet, il y a un plus grand risque de déchirures du 3ème ou 4 ème degré lors des extractions instrumentales, car l’utilisation des instruments rajoute une tension sur le périnée. Bien que réaliser une extraction instrumentale sans pratiquer une épisiotomie soit possible, ce savoir n'est pas très répandu chez les médecins qui n'y ont pour la plupart pas été formés.

La remise en cause scientifique sous la pression des femmes

Ainsi, la pratique de l’épisiotomie s’est généralisée d’après des affirmations qui n’avaient aucune base scientifique, et cette absence de preuves scientifiques a été pointée du doigt par certaines femmes, entrainant les premiers questionnements autour de l'épisiotomie.

D’après le sociologue Ian D. Graham(Graham, s. d.), le cas de l’épisiotomie est intéressant en raison de l’implication des usagères - les femmes - dans l’initiation et la promotion des critiques de la pratique. Cela s’oppose à l’approche positiviste, qui suppose que la science est l'unique responsable de l’innovation médicale. La technologie médicale est supposée être le produit de la science, et la pensée scientifique est supposée en déterminer l’adoption et l’utilisation. Dans le cas de l’épisiotomie, Ian Graham propose une façon très différente de comprendre le processus de changement en médecine, en considérant que l’innovation médicale est le produit d’une activité humaine, sociale. En effet, ce sont les femmes qui ont remis la pratique en cause depuis les années 1970, en Angleterre notamment. Les femmes, profanes, c’est à dire n’ayant pas de connaissances scientifiques poussées, cherchent à faire entendre leur voix à côté de celles, plus savantes, des médecins. Ainsi, contrairement au passé, où les principaux agents du changement étaient les médecins, cette fois-ci, ce sont les femmes, les activistes et les associations autour de l'accouchement qui défient les pratiques usuelles. En remettant en question l'épisiotomie dans les médias, ceux qui ont fait campagne contre l'opération ont transformé l'épisiotomie en une question sociale difficile à ignorer pour les professionnels. Cela a obligé la recherche scientifique à chercher des preuves avérées pour soutenir la pratique de l’épisiotomie, et les résultats ont révélé que l'utilisation systématique de l'épisiotomie était injustifiée. Ian Graham remarque aussi que la campagne anti-épisiotomie menée avait déjà  déclenché la réduction du recours à cet acte, avant même les premiers résultats des recherches scientifiques.

Les deux principales justifications de l'épisiotomie ayant été invalidées par les études depuis les années 1980-1990, certains médecins français tel que le Docteur Benoît de Sarcus2 ont décidé d’alerter les usagères sur la non-nécessité systématique de cette pratique. Les chiffres montrent de manière assez claire que diminuer le nombre d’épisiotomies lors des accouchements à bas risques n'augmente pas en contrepartie le nombre de déchirures du sphincter de l’anus - ces études ont notamment comparé des hôpitaux où l’on pratiquait des épisiotomies systématiques et d’autres appliquant une politique d’épisiotomie basée sur des raisons médicales justifiées.

Quand on s'est mis à regarder à la lueur des preuves, et à vérifier les affirmations antérieures qui étaient que l'épisiotomie protégeait contre le prolapsus et l'incontinence urinaire, il s'est avéré que c'était faux : ça ne protège ni contre le prolapsus ni contre l'incontinence urinaire. - Docteur Israel Nisand

De plus, le Dr de Sarcus a confirmé lors d’un entretien qu’une épisiotomie faisait gagner en moyenne une minute sur un accouchement, or il affirme que cette minute en plus est très bien tolérée par le bébé lorsqu'on ne pratique pas d’épisiotomie et qu’il n’y a aucune indication qui puisse conduire à effectuer des épisiotomies en avançant ce type de justifications.

Les médecins étaient à l'origine également persuadés que pratiquer des épisiotomies était moins douloureux pour la femme que d’avoir des déchirures. Le Dr de Sarcus ainsi que le Dr Nisand, confirmant la littérature scientifique à ce sujet, expliquent cependant que les déchirures spontanées sont dans la plupart des cas moins douloureuses que les épisiotomies à long terme. En effet, celles-ci se font selon les zones de moindre résistance des muscles, qui sont par ailleurs les zones qui font le moins mal lors de la cicatrisation.

Enfin, certains professionnels de santé ont alerté, notamment dans les journaux d’obstétrique, quant aux complications que pouvaient entraîner les épisiotomies : l’épisiotomie médio-latérale peut en effet être très hémorragique, surtout si elle est réalisée trop précocement. Bien qu’elle soit réalisée pour prévenir les déchirures, l’épisiotomie peut être responsable de déchirures sévères par extension vers le sphincter anal et le rectum - conclusion qui est cependant davantage associée aux épisiotomies médianes peu pratiquées en France. Dans de rares cas il existe aussi des traumatismes foetaux tels que des plaies sur la face ou des coupures.

Suite à la remise en cause scientifique de l’utilité de l’épisiotomie, l’Organisation Mondiale de la Santé l’a définie comme une “pratique fréquemment utilisée à tort”(Recommendations : Intrapartum care for a positive childbirth experience, 2018) . Elle en recommande une utilisation éclairée et parcimonieuse, en préconisant un taux de 10% d’épisiotomies.

Une pratique qui demeure

Malgré la remise en cause scientifique de l’utilité et l'efficacité de l’épisiotomie, la pratique n’a pas disparue.

Baisse des taux d'épisiotomie

Source: Le Monde

En effet, le Dr Nisand le dit clairement:  “l'épisiotomie subsistera toujours”, et ce pour deux raisons. Premièrement, une bradycardie vitale du bébé, c’est-à-dire que le tracé cardiaque nous montre que le rythme cardiaque est inférieur à la moyenne. Dans ce cas-là, il faut selon le Dr Nisand terminer l’accouchement dans la minute ou les deux minutes qui suivent, afin que le bébé puisse respirer. Le manque d’oxygène à ce moment du processus peut en effet créer des dégâts irréversibles. La sage-femme peut alors estimer en balance des risques qu'il vaut mieux "mettre un coup de ciseaux dans le périnée pour pouvoir sortir l'enfant tout de suite" dans le but d'éviter les dégâts cérébraux. Cette première raison porte sur 2 à 3% des accouchements. La deuxième raison invoquée à l'heure actuelle est l’impression clinique que le sphincter anal peut se déchirer. On veut donc protéger les zones anatomiques de la partie postérieure de la vulve appelée la fourchette, en particulier le sphincter de l’anus qui est la partie la plus proche de l’anus (2 à 3 cm) et  qui est très distendu au moment de l’accouchement car le bébé dans sa position fait “bomber” les tissus du périnée. Si le sphincter est trop distendu, il peut tout simplement se rompre, et donc provoquer des lésions et des déchirures du 3 ème ou 4 ème degrés. La déchirure du sphincter anal laisse des séquelles lourdes pour la femme, notamment une incontinence anale qui se traduit ensuite par des interventions chirurgicales à répétition pour essayer de le réparer. Au total, ces deux indications impliquent la nécessité d'une épisiotomie pour environ 5% des accouchements, d'après le Dr Nisand. Le chef de service de gynécologie-obstétrique du CHU de Besançon, le Dr Riethmuller, pratique moins d’1% d’épisiotomies, mais ce n'est pour le Dr Nisand pas suffisant, car il a un pourcentage bien plus élevé de "périnées complets" (rupture du sphincter anal) que ce qu'il faudrait - 4% au lieu de 1% selon le Dr Israël Nisand.

Pour le Dr Georges Mellier3 , les déchirures naturelles trop importantes posent aussi des problèmes “occultes”. En effet, le périnée est commandé par des nerfs, qui permettent notamment de fermer l’anus, or ces nerfs sont étirés lorsque la tête du bébé exerce une pression sur le périnée. Ils sont semblables à "un câble avec de multiples brins", capables de s’étirer jusqu’à un certain point, mais des fibres cassent et tout peut se déchirer, ce qui entraîne une dénervation à la suite de laquelle les muscles de cette zone, dont ceux qui permettent de refermer l’anus, ne sont plus dirigés. Ainsi, pour le Dr Mellier, les lésions qui peuvent justifier le recours à l’épisiotomie sont à la fois anatomiques et neurologiques.

La macrosomie, les présentations par le siège, ou un périné particulièrement court (brièveté périnéale) sont aussi souvent des arguments avancés comme justification à la pratique d'une épisiotomie. Cependant, la recherche scientifique n’est pas concluante sur ces sujets, du fait de la difficulté à établir des liens de causalité. Le même problème se pose dans le cas des extractions instrumentales. Les recherches scientifiques ont du mal à statuer sur l’utilité ou l’inutilité de la pratique de l’épisiotomie en prévention des déchirures car celles qui subissent des épisiotomies sont aussi celles dont les déchirures sont les plus graves, mais le lien de causalité ne peut réellement être établi du fait de la différence de gravité des situations: ceux qui subissent des déchirures graves (et des épisiotomies) sont aussi les accouchements les plus à risque. Cependant, des médecins tels que le Dr De Sarcus pratiquent des extractions instrumentales sans épisiotomie, sauf en cas d'urgence (il en a pratiqué une seule l’année dernière).

II Une nouvelle exigence : la prise en compte du vécu des femmes pendant l’accouchement

La sécurité à la naissance a marqué l'évolution de l'accouchement au XXème siècle. Mais suite à un processus débuté dans les années 1980, les récentes années ont vu émerger une préoccupation nouvelle : le vécu des femmes au cours de leur accouchement. Peu à peu structurées et portées par des collectifs, les revendications des femmes prennent de la place dans l'espace public.

Les processus de mobilisation des femmes

En France, la mobilisation des usagères au sein d’associations et de collectifs a permis l’émergence de la controverse dans la sphère publique. Le Collectif Interassociatif Autour de la Naissance (CIANE)4 est le principal acteur de cette mobilisation, et de la représentation des usagers dans le domaine de la périnatalité au niveau national.

CIANE

Source: ciane.net

Le collectif rassemble différent types d’associations, ayant à l’origine des objectifs et des modes d’actions différents. Il y a notamment des associations “de terrain” réunies à l’occasion d’un évènement particulier, comme une fusion de maternités, ou autour d’une groupe d’expérience. Ces associations ont en général une bonne connaissance du terrain, et partent d’un projet précis pour élargir ensuite leurs revendications. Le deuxième type d’association, et qui est particulièrement intéressant dans le cas de l’épisiotomie sont des associations créées autour d’une communauté qui partage son expérience, souvent grâce à Internet. En effet, Internet a ouvert un espace de d’expression, d’écoute et d’entraide qui a participé de la libération de la parole des femmes. Les témoignages autour de l’épisiotomie, et des autres violences obstétricales sont rendus visibles par leur accumulation au fil des années, ce qui incite d’autres femmes à partager leur expérience, créant ainsi une communauté connectée. De plus, Internet offre un accès facilité à la connaissance scientifique via les publications médicales qui sont accessibles à tous en ligne, ce qui permet la construction d’un savoir profane. Dans ces communauté on trouve aussi des médecins, scientifiques ou professeurs qui sont à même de produire une analyse des connaissances de la médecine factuelle et de les vulgariser  Cela permet aux associations et aux militant d’avoir un argumentaire très solide basé non seulement sur le vécu des usagers.ères mais aussi sur les preuves scientifiques. Notamment dans le cas de l’épisiotomie, de nombreuses études, accessibles en ligne, concluant à l’inefficacité de l’épisiotomie systématique sont citées par les militant.es et les associations.

Ces différents types d’associations ne sont pas sans liens et se complètent comme l’explique la sociologue Madeleine Akrich : "Même si aucune relation n’était formalisée, les liens tissés par les individus constituaient un réseau serré : des idées, des connaissances, des textes ont pu circuler avec plus ou moins de fluidité d’un groupe à l’autre et former ainsi la trame d’une culture commune"(Akrich, 2010). Le CIANE en tant que collectif profite de la diversité de ses membres qui ont à la fois une connaissance fine du terrain et un savoir scientifique solide. Si les modes d’actions initiaux des différentes associations sont divers, allant du militantisme classique, avec par exemple des permanences téléphoniques des associations pour les victimes, à l’information via des sites dédiées et aux débats en ligne, le CIANE en tant que collectif est réellement tourné vers l’action politique : "il s’agit de faire pression sur les acteurs concernés". Cette action politique pour améliorer la périnatalité est possible car le CIANE est entendu par les professionnels comme par les pouvoirs publics, grâce à son expertise fondée à la fois sur le vécu des usagères et sur les connaissances médicales. Les revendications du CIANE concernent toutes les femmes, le collectif cherche à améliorer la périnatalité pour toutes les usagères en tenant compte de la diversité des vécus. Cependant certains acteurs, certains militants mettent particulièrement en avant leur vécu pour appuyer leurs revendications. Ils ont tendance à durcir leur parole pour en faire un paradigme de la majorité et être entendus dans le débat public.

Dans le cas de l’épisiotomie, les principales revendications des associations, collectifs, et militantes sont un meilleure reconnaissance et prise en charge de la douleur, le respect du consentement, et le respect du droit à l’information.

La reconnaissance de la douleur

La douleur est définie comme une expérience sensorielle et affective désagréable, liée à une lésion tissulaire. Suite à une épisiotomie, la douleur devient une maladie par elle-même puisque la déchirure qui survient dans le tissu organique peut aussi se répercuter dans le “tissu psychologique”, comme le montrent plusieurs mémoires de sages-femmes(Delafoy, s. d.)(LACAILLE, 2016)(Ferrand, 2004)(OUDDASSER, 2010).

Cette douleur est prévisible, aiguë donc transitoire et dure généralement le temps de la cicatrisation dans le cas des douleurs post-opératoires comme ici post-épisiotomie. Elle peut être intense mais il existe de nombreuses variations d’un patient à l’autre, après un même type d’intervention.

Mesure de la douleur

En obstétrique, la douleur après une épisiotomie peut être associée à d’autres facteurs : une aide instrumentale, le poids de l’enfant, une déchirure surajoutée. A la douleur de l’épisiotomie s’ajoute la douleur lors de la suture, souvent réalisée sans anesthésie. Ainsi dans leurs témoignages, plusieurs femmes déplorent le fait d’être recousue “à vif”, sentant les points de suture “dans leur chair”(PIQUET & THIBERT, s. d.). Les études effectuées par les sages-femmes notent même que le fait de bénéficier d’une analgésie péridurale serait un facteur de risques en lui-même de présenter une douleur plus intense puisqu’elles découvrent la douleur en suite de couches. Souvent, ces patientes jugent leur douleur plus sévères que les patientes qui ont souffert pendant l’accouchement.  

Dans le post-partum immédiat, les patientes ayant eu une épisiotomie se plaignent de douleurs périnéales plus que celles ayant accouché avec une déchirure du 1er ou 2e degré. Le caractère très douloureux de l’épisiotomie résulte souvent d’un hématome, thrombus, d’une infection de la cicatrice pouvant induire une désunion ou un oedème.  Une étude suédoise menée en 2008(EJEGARD, 2008)conclut que l’épisiotomie affecte la vie sexuelle des femme jusqu’à deux ans après l’accouchement, en causant des dyspareunies5 .

Pour évaluer correctement la douleur d’une femme, il est nécessaire d’avoir en tête certains paramètres : l’influence du facteur culturel : par exemple, les femmes méditerranéennes ont tendance à s’exprimer plus intensément que les femmes du Nord de l’Europe, mais la douleur n’est pas pour autant moins intense, elles ne sont donc forcément traitées de la même manière (plus ou moins de médicaments anti-douleur, etc)(Ferrand, 2004). De plus, il existe des variations biologiques interindividuelles génétiques responsables de variations des diverses substances impliquées dans le contrôle et la transmission de la douleur mais aussi des variation pharmacodynamiques. C’est pour cela, que la formation des soignants est primordiale : des défauts de connaissances ou d’évaluation avec des jugements de valeur ou des interprétations abusives peuvent amener à des prescriptions insuffisantes.

L’intensité de la douleur dans les hôpitaux en France est mesurée par une échelle numérique (de 0 à 10 ou de 0 à 100) ou une échelle visuelle analogique considérée comme plus fiable et plus sensible. La patiente doit ainsi positionner le curseur sur une un axe gradué dans la face du soignant qui peut alors relever la mesure.

Plusieurs techniques sont aujourd’hui mises en places dans les maternités pour soulager la douleur, allant de l’acupuncture à l’homéopathie ou encore la cryothérapie. Le coussin de Burnet est très souvent utilisé pour diminuer les frottement et éviter l’appui direct sur la cicatrice d’épisiotomie.

Pour de nombreuses opérées, cette douleur est obligatoire et est considérée comme une fatalité, elles la craignent mais n’en feront pas obligatoirement part aux soignants. De plus dans l’environnement de la naissance, la douleur fut longtemps associée à la fatalité de l’enfantement, marquée par la religion judéo-chrétienne. Cependant, l’introduction de la méthode d’accouchement sans-douleur introduite par le docteur Lamaze dans les années 1950 a conduit à un changement des points de vue sur la situation.

Les femmes ont globalement, d’après la plupart des professionnels de santé et collectifs, un mauvais vécu de leur épisiotomie en post-partum immédiat, néanmoins, celui-ci s’améliore au fil du temps, la proportion de femmes exprimant un mauvais vécu diminue de moitié après trois mois(GAUBERT, 2015).

Néanmoins, la prise en charge de la douleur est devenue une priorité de santé publique et plusieurs actions gouvernementales ont été engagées. Le nouveau programme des études de sages-femmes de 2001 prévoit un enseignement en sciences humaines et sociales sur les connaissances et la réflexion des différentes sociétés face à la douleur ainsi qu’un enseignement en anesthésie qui inclut des connaissances physiologiques, pharmacologiques et des méthodes d’évaluation nécessaires à la prise en charge de la douleur post-opératoire mais aussi post-partum.

Pour Barbara Strandman6 , militante et membre du CIANE, fondatrice du site episio.info et de l’AFAR7 , une des revendications consiste en la reconnaissance de la souffrance des femmes ayant subi une épisiotomie et l'ayant mal vécue. Le CIANE se bat pour que leur témoignage soit entendu. En effet, elles sont accusées de mensonge et d’hystérie. On leur refuse de reconnaître une douleur physique mais aussi psychologique.

Or, le CIANE se bat déjà pour que les femmes ayant mal vécu leur épisiotomie psychologiquement et/ou physiquement, puissent premièrement réussir à en parler. Mais cela est très difficile en général, car il est tabou de parler du mauvais souvenir de son accouchement. En effet, les femmes ne se sentent pas légitime d’en parler et leur souffrance ne semble pas justifiée puisque le bébé est en bonne santé. Ensuite, le CIANE se charge de faire remonter la parole des femmes au niveau du grand public.

On parle d’errance médicale lorsque le diagnostic ne vient pas et dans le cas d’une épisiotomie, il s’agit du refus de reconnaître un diagnostic. Le CIANE s’engage et lutte contre cette errance médicale et lutte pour qu’elle soit reconnue par les médecins mais également ensuite par l’Etat afin de financer les soins nécessaires par le système de santé.

La réponse du corps médical est ambivalente: certes, la douleur est reconnue et le Dr Nisand déclare "quand les femmes disent qu’elles ont mal, c’est qu’elles ont mal", toutefois il semble la minimiser en parlant des douleurs des femmes pendant les rapports sexuels à la suite d’une épisiotomie.

Israël Nisand : Je vais vous parler d’autre chose qui est méconnu, c’est l’anaphrodisie post-partum. C’est-à-dire aucune envie d’avoir des rapports, un intérêt pour l’enfant qui est exclusif, et ça peut durer trois, quatre mois. Pas pour toutes les femmes, mais une bonne partie sont décontenancées et ont du mal à expliquer cette anaphrodisie en particulier à leur compagnon, et l’épisiotomie peut être un bon alibi. Cette période de libido à 0 est normale ! Le vagin est sec, irrité, il a été laminé par le passage de l’enfant, et en face le mari est parfois impatient. Et si on n’est pas dans un couple où on se parle, invoquer l’épisiotomie c’est quand même bien pratique. Donc je n’achète pas les douleurs à l’épisiotomie comme ça. J’examine, si en passant le doigt sur la cicatrice et en déprimant la femme ne saute pas au plafond c’est que tout va bien.

Pour le Dr De Sarcus, une épisiotomie fait mal à 30% des femmes jusqu’à 6 mois voire un an après l’acte. En effet, la coupure touche les muscles autour de la vulve, qui sont attachés aux muscles de la racine de la cuisse sollicités pour s’asseoir. Pour lui, il y a eu une évolution dans la reconnaissance médicale de la douleur car on considérait que la douleur était normale lors de l’accouchement, et car la seule préoccupation de l’obstétricien étant la sécurité de la mère et du bébé, la douleur n'étant pas une préoccupation primordiale. On laissait donc la gestion de la douleur aux kinésithérapeutes, très peu formés à ce sujet.car très peu formés à ce sujet. La douleur est maintenant reconnue par les médecins, ce qui ne signifie pas toujours qu’elle est prise en compte.

Le consentement

A travers le consentement il s’agit de redonner la parole aux femmes, de leur laisser la maîtrise de leur corps.

Pour Barbara Strandman, le consentement est ce qui différencie la violence obstétricale du soin.

Si le médecin m’a parlé, s’il m’a demandé mon avis, s’il m’a donné une information loyale et que j’ai dit oui, alors ce n’est pas une violence, c’est un soin. S’il ne m’a pas informée, ou mal informée, s’il ne me demande pas mon avis, ou si je dis non et qu’il passe outre, alors c’est une violence.

Mélanie Déchalotte8 nous éclaire sur la notion de consentement, et insiste sur le fait que le refus de soin doit être respecté par les soignants.

C’est le consentement libre et éclairé : la femme donne librement son avis. Dire ce qu’elle veut exactement. Éclairé ça veut dire avoir toutes les infos nécessaires. (...) Le consentement peut être retiré selon la loi, donc la femme peut retirer son consentement. Le refus doit être accepté.

Mme Déchalotte avance même le chiffre de 84% d’épisiotomies réalisées sans le consentement éclairé de la parturiente.

Affiche pour la SMA

D’un point de vue juridique, le consentement libre et éclairé est obligatoire pour tout actes chirurgicale. La loi Kouchner de 2002 dispose que :

  • Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas.
  • Lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.

Les médecins reconnaissent globalement à l’unanimité qu’un acte chirurgical nécessite le consentement de la patiente. Cependant, ils traitent l’épisiotomie différemment et pour eux la controverse ne se trouve pas sur ce point puisque les circonstances de l’acte empêchent la prise en compte réelle de ce consentement. Pour Caroline Reiniche9 la question du consentement est mal abordée par le corps médical car "on parle du consentement pendant les études, les étudiants apprennent qu’il faut le demander, c’est la loi. Mais c’est différent pendant les stages (qui constituent une énorme partie de la formation) : les étudiants ne savent pas comment le faire, ni à quel moment, ils pensent que c’est une tâche difficile et finissent par ne souvent pas le faire." Répondre à cette demande des femmes demande donc de se détacher de ce qui est vu en stage, et elle dit "Personnellement j’ai mis des années avant de savoir comment on pouvait faire. Ca fait bientôt 10 ans que je suis diplômée, ça doit faire 5 ou 6 ans que j’essaie de le faire, et environ 4 ans que j’ai trouvé une façon de faire, c’est-à-dire que je l’aborde systématiquement avant l’accouchement et pas pendant. Parce que c’est un sujet particulièrement sensible parmi tous les sujets autour de l’accouchement, et en parler au moment où ce n’est pas imminent est sûrement la meilleure chose à faire. Mais c’est une technique que j’ai développée un peu en tâtonnant, et qui ne m’a pas été enseignée !"

Pour les médecins, la question du consentement en ce qui concerne l’épisiotomie ne devrait même pas se poser car la situation d’urgence vitale durant laquelle elle intervient ne permet pas à la femme de refuser l’acte chirurgical. Le Dr De Sarcus comme le Dr Nisand disent que lorsque l’enfant est en souffrance, il n’y a pas le temps de demander à la femme son consentement, et qu’on ne peut pas non plus le lui demander avant, car si elle refuse, que peuvent-ils faire? Ils ne peuvent laisser le bébé en souffrance et risquer des dégâts cérébraux importants ou sa mort, et ne peuvent donc pas respecter le choix de la femme. Le Dr de Sarcus, qui évolue dans une maternité où le taux d’épisiotomie est très bas (de 2,1% en moyenne chaque année soit 8 épisiotomies par an), affirme que le véritable enjeu autour de l’épisiotomie est l’accompagnement post-opératoire des patientes : il faut leur expliquer pourquoi l’on a fait le choix de leur faire une épisiotomie. Ainsi, dans sa maternité, lorsqu’une femme affirme avoir mal vécu son accouchement, un entretien lui est proposé quelques jours après l’accouchement (car post-partum il est souvent trop tôt pour mettre des mots sur le ressenti de l’événement). Cet entretien s’inscrit dans le travail libérateur de la parole, il faut pouvoir mettre des mots sur l’accouchement, “il ne faut pas que la patiente reste avec cette rage”, il est légitime qu’elle puisse avoir l’opportunité de discuter avec les gens qui étaient présents lors de l’accouchement pour “apaiser et métaboliser les traumatismes”.

De plus, le CIANE montre un lien entre la souffrance des femmes et le consentement. Les femmes à qui on a demandé leur consentement sont celles qui disent le moins souffrir de leur épisiotomie.

Ainsi, plus que le consentement sur le moment, qui est difficile à atteindre du fait de l’urgence vitale mise en avant par les médecins et difficile à défendre juridiquement du fait de procès parole contre parole, les réclamations du CIANE portent sur l’obligation d’informer la patiente de ce qu’elle subit ou est sur le point de subir.

Le droit à l'information

La demande d’information par rapport à l’épisiotomie est également une des requêtes principales des associations et militantes. Elles réclament, conformément au code de déontologie médical (article 35)  et au code de la santé publique (article R.4127-35 ) “une information loyale, claire, et appropriée” avant, pendant, et après l’accouchement.

Pour les avocates Tessiah Gadou et Alba Horvat10 , les textes de loi actuels sont suffisants et couvrent bien la question du consentement, le problème étant qu’ils ne sont pas appliqués dans le cas de l’épisiotomie. Or, il y a très peu de plaintes, car les chances d'obtenir gain de cause sont très faibles. Alba Horvat mentionne les désavantages d'un système comme l'Ordre des Médecin, dans lequel des médecins sont jugés par d'autres médecins, et la protection de la confraternité aboutit rarement à la condamnation d'un collègue. Par ailleurs, en cas de poursuites judiciaires pour épisiotomie sans consentement, il y a une opposition de la parole de la femme et de celle du médecin sans qu’aucune preuve matérielle puisse être apportée car tout n'est pas écrit dans le dossier médical. Il n'existe en France que deux cas de jurisprudence concernant la pratique de l'épisiotomie.

  • En 2010, une plainte formulée par Myriam D à l'encontre du Dr Alain K ayant été rejetée par la chambre disciplinaire de Haute-Normandie et portée en appel est transmise à l'Ordre des Médecins. La plaignante accusait le gynécologueb-osttéricien d'avoir pratiqué sur elle une épisiotomie préventive sans en avoir informé les parents. Elle affirmait que cette épisiotomie n'avait pas été justifiée par une souffrance foetale, et que le Dr Alain K n'avait donc aucune raison de passer outre son obligation d'informer la patiente et de respecter son choix de s'opposer à une épisiotomie, qui avait été clairement manifesté. Cependant, le Dr K a invoqué une urgence vitale due à une bradycardie du bébé, impliquant une nécessité de l'épisiotomie. Alors que la plaignante contestait que la bradycardie mentionnée ne signifiait pas une souffrance foetale, et que si elle avait existé, cette dernière n'avait jamais été mentionnée par le gynécologue-obstétricien, le Dr K a opposé son expérience de plus de 10 000 accouchements et la confirmation par d'autres médecins que la souffrance foetale était aigue. Ces arguments ont conduit à une décision de l'Ordre en faveur du gynécologue-obstétricien, ce qui témoigne de la supériorité de légitimité de la parole du médecin disposant de l'expertise scientifique. On remarque également que la question de l'information de la patiente n'est pas résolue. En revanche, considérant que l'appel fait par Myriam D était abusif, la chambre a condamné la plaignante à 3000€ d'amende.
  • Le deuxième cas, décrit par la journaliste Nour Richard-Guerroudj11 dans un article publié dans Profession Sage-femme(RICHARD-GUERROUDJ, 2018) , est intéressant puisqu'il s'agit de la première fois qu'un soignant a été condamné pour défaut d'information. Le 5 janvier 2018, Isabelle Condat, sage-femme à la maternité Saint Joseph-Saint Luc de Lyon, a été reçu un blâme pour n'avoir pas informé sa patiente qu'elle pratiquait une épisiotomie sur elle. Pourtant selon Alba Horvat, cette décision est ambiguë et montre des incohérences. La sanction n'a été donnée que parce que la sage-femme a reconnu ne pas informer ses patientes avant de pratiquer une épisiotomie, et non parce que les paroles de la plaignante ont été entendues. Cette dernière partage d'ailleurs un sentiment d'amertume : "La rédaction de la sanction est hallucinante, car je ne me sens pas crue dans ce que j'ai vécu." Si cette décision marque un tournant dans la jurisprudence, le recours judiciaire pour violences obstétricales reste marginal. Et pour Barbara Strandman, si recours judiciaire il y a, "la parole des femmes est discréditée tant dans la salle d'accouchement que pendant le procès".

Le CIANE demande au corps médical d’appliquer son devoir d’information envers les parturientes. En effet, les chiffres montrent qu'environ un tiers des femmes estime ne pas avoir reçu d’information et auraient souhaité être mieux informées quand à l’éventualité d’avoir une épisiotomie dans les cours de préparation à l’accouchement ou au cours des rendez-vous gynécologiques. 43% des futures mamans n’ont entendu parler de l’épisiotomie que dans leur cercle privé - collègues, amis, famille. En post-partum les femmes regrettent de ne recevoir que très peu d’informations et recommandations sur les pratiques à adopter lors de la cicatrisation.

Les femmes s'informent sur leurs droits

Les associations proposent d’informer les femmes des gestes qu’elles peuvent subir le jour de l’accouchement en amont de celui-ci. Un accompagnement plus personnel, qui permettrait que les femmes soient suivis par les mêmes professionnels de santé au long de leur grossesse serait l’idéal. En donnant plus de temps au dialogue, on permet aux soignants d’écouter les inquiétudes des futures mamans, et de les informer en tenant compte des particularités de chacunes. L’ouverture du dialogue permet aussi de ne pas infantiliser les femmes, qui ressentent souvent comme tel le manque d’informations.

Tessiah Gadou et Alba Horvat, avocates, ont écrit avec l’organisation Fondation des femmes des brochures afin de propager les droits des femmes pendant leur accouchement, sous la forme d’un petit guide qui rappelle les textes juridiques et ce qu’ils veulent dire sur leurs droits(GADOU & HORVAT, s. d.) . En effet, leur but est d’informer toutes les femmes, peu importe leur situation sociale, et uniquement la “minorité hurlante” décrite par le Dr Nisand qui est déjà au courant des droits qu’elles peuvent faire valoir.  

En étant plus informées et écoutées, lorsqu'on leur demande leur consentement, les femmes retrouvent la maîtrise de leur accouchement et de leur corps. Pour nombre de militantes, c’est une prise de conscience nécessaire face à un système médical encore “paternaliste”.

Quel impact du sexisme sur les soins en gynécologie ?

L’étude de l'épisiotomie met en lumière une médecine qui, par certains aspects, porte une vision objectivante sur le corps de la femme. Les témoignages le montrent, les femmes se sentent objet lorsqu’un médecin entre dans la salle sans se présenter, puis ne les informe pas des actes qu’il pratique. La sage-femme Caroline Reiniche confirme : "On voit le corps avant tout. On soigne un corps, voire un bout de corps. L’aspect psychologique de l’accouchement est totalement occulté alors qu’il est fondamental."

La pratique de l’épisiotomie pose la question d’un sexisme qui pourrait avoir un impact sur les soins prodigués aux femmes lors d’un accouchement. La négation de la douleur exprimée par les femmes, l’absence d’information et de recherche du consentement sont le symptôme d’un sexisme diffus de la société et dont le corps médical n’est pas exempt. Pour Coline Gineste, "dans certains cas, le sexisme est bien à la racine de situations médicales sans efficacité scientifique"(GINESTE, 2017) .

De plus, la sexualité des femmes est souvent niée, puisqu’on différencie totalement les organes féminins à la fonction reproductrice et les organes sexuels, alors que ce sont bien les mêmes. Ce traitement est un symbole d’une sexualité féminine encore taboue. Une pratique systématique de l’épisiotomie sans proposer de suivi et de rééducation permettant une bonne reprise des rapports sexuels témoigne bien d’une conception selon laquelle les femmes n’ont pas à s’insurger de ne plus pouvoir avoir de rapports après un accouchement, dans la mesure où elles sont devenues mères. Et Coline Gineste va même plus loin, en affirmant que "la médicalisation de l’accouchement et du corps des femmes est en même temps un instrument de contrainte de la sexualité féminine"(GINESTE, 2017) .

Ainsi, même s’il serait excessif d’affirmer que la pratique de l’épisiotomie démontre un sexisme de tout le corps médical, il est important de prendre en compte cette imprégnation de la société à une tendance à la discrimination, à la dévalorisation consciente ou inconsciente, appliquée aux femmes parce qu’elles sont des femmes. Les propos de certains médecins sont d’ailleurs à noter, comme ceux d'Israël Nisand, actuel président du CNGOF, ayant affirmé dans un article du Figaro : "Au moment de l’accouchement, tout le sang est drainé vers l’utérus, au détriment du cerveau. La manière dont on vit et décrit a posteriori son accouchement peut ne pas correspondre complètement à la réalité". Bien qu’un accouchement ne soit indéniablement pas anodin, et questionne la capacité d’une femme en accouchement à donner un consentement éclairé, ces propos témoignent d’une infantilisation de la femme et tendent à discréditer la parole de femmes se plaignant d’avoir subi des violences obstétricales.

Pour finir, une pratique comme le point du mari semble correspondre au summum de la déconsidération des femmes, puisque réduites à un objet sexuel destiné à plaire à l’homme. Notre entretien avec Caroline Reiniche a confirmé l’existence d’une telle pratique. Elle nous a affirmé avoir côtoyé un médecin qui se vantait d’avoir "refait un vagin de jeune fille" à ses patientes. Cependant, cette pratique reste très marginale et ne constitue pas le centre d’intérêt principal de notre controverse.

III Le vécu des soignants, une variable oubliée qui semble indispensable pour comprendre les tensions

Le vécu des femmes pendant leur accouchement comme nouvelle préoccupation joue un rôle essentiel dans la controverse autour de l’épisiotomie. Cependant, afin de comprendre le conflit dans son entièreté, il faut prendre en compte le vécu des soignants dans leur profession et dans les questionnements sur les violences obstétricales. La voix des gynécologues-obstétriciens et celle des sages-femmes est à écouter en parallèle, et permet de comprendre les particularités du système médical et hospitalier en obstétrique en France.

L’incompréhension des soignants face aux revendications des femmes

Les soignants sont parfois désemparés face à ce qui est ressenti comme des accusations proférées par les femmes.

Or, la relation soignant-soigné est régie par une certaine idée de redevance. Le soignant se charge d’aider une femme qui a besoin d’être accompagnée pour accoucher, et qui d’une certaine manière devrait être reconnaissante pour les soins qui lui sont procurés. Cette conception est en partie liée à la durée des études, à la pénibilité du travail, au niveau de responsabilité du travail de soignant. La sage-femme Caroline Reiniche le décrit à travers "l’idée qu’on en a bavé et qu’on n’est venus qu’avec de bonnes intentions envers les patientes, donc entendre qu’on est violents c’est vécu comme une violence supplémentaire".

Les soignants ne comprennent pas la remise en cause de leur savoir et de leur légitimité, puisqu’ils agissent dans l’urgence afin de sauver le bébé et la mère, et puisque les soignants ont permis une baisse du taux de mortalité à l'accouchement, de 900/100 000 à 9/100 000. La supériorité du médecin, pourtant un "consensus social"(Déchalotte, 2017)selon Mélanie Décalotte, est mise en cause car elle peut être ressentie comme une forme de paternalisme médical, vécu comme une infantilisation des patientes. Mais cette accusation est difficile pour les soignants qui se pensent bienveillants et qui, sachant ce qui est bon pour les patientes, tentent de l'appliquer afin de les protéger.

De plus, c’est bien le médecin qui prête serment et engage sa responsabilité responsabilité, juridique et morale, lorsqu’il prend en charge un patient. Israël Nisand parle de cette responsabilité du médecin du point de vue de la loi, et notamment du Code de Déontologie Médicale, qui semble formuler des tensions entre différentes normes juridiques : "Si je ne fais pas l’épisiotomie et que le gosse a un problème, je vais au tribunal. Si je la fais contre son gré, je vais au tribunal. Si on ne veut pas foutre en l'air l'accouchement en France, alors qu'on a des taux de mortalité très bas (9 pour 100000), si on ne veut pas dézinguer ce qu'il reste de la sécurité des maternités, il faut arrêter ça !" Ainsi, les revendications en faveur d’une demande de consentement avant de pratiquer tout acte chirurgical durant un accouchement posent problème au sein des soignants.

D’ailleurs, la journaliste Mélanie Déchalotte explique qu’il peut être difficile pour les soignants de ne pas agir médicalement lors d’un accouchement. En effet, ils sont formés à être actifs.

Comme il a été démontré plus haut, une des revendications portées par les femmes militant en faveur d’une meilleure prise en compte de leur vécu durant l’accouchement est le respect du droit à l’information garanti par le Code de Déontologie Médicale. Cependant, cette revendication est vue d’un mauvais oeil par les médecins.

Benoît de Sarcus évoque l’impossibilité de dresser un catalogue des risques courus pendant l’accouchement : "On peut pas préparer les femmes à toutes les éventualités qui sont impliquées dans l’accouchement. La femme peut mourir, on peut être obligé de lui retirer l’utérus, elle peut avoir une toxoplasmose, son bébé peut être handicapé, il peut naître en état de mort fœtale… On ne peut pas se préparer à tout."

Israël Nisand, quant à lui, met en garde contre la nocivité de l’information :

Le Docteur Nisand, Président du CNGOF

Il y a une centaine de complications qui peuvent se produire au moment d'un accouchement normal. Si on est obligé de tout dire aux femmes, on n’aura plus des accouchées mais des rescapées. [...] Cela s'appelle l'effet nocebo de l'information : il y a une nuisance à donner certaines informations. Pendant une grossesse normale, chaque mot qu'on dit est interprété dans tous les sens. Donc la réponse très claire de la profession c'est que nous ne pouvons pas donner toute l'information que nous devrions donner aux patientes. Certains disent même “si au tribunal on me condamne pour défaut d'information, et bien ma générosité et la protection de mes patientes m'incite à affirmer que je voile un certain nombre d'implications possibles et graves pour les protéger”. En chirurgie classique, on peut vous détailler toutes les complications possibles et puis vous pouvez décider que puisque c'est ainsi vous ne vous faites pas opérer. Mais une femme ne peut pas dire “finalement je ne vais pas accoucher”. On est dans une situation qui n'est pas tout à fait chirurgicale, dans laquelle la femme ne peut plus revenir en arrière.” Brigitte Letombe, également gynécologue, insiste sur les dangers des revendications qui contraignent les médecins : “Donner de l'information, ça nous protège nous. Pour l’instant, on essaye de s'aménager entre informer selon la loi de 2002 tout en continuant à protéger. Mais avec tout ce qu'il se passe, les médecins vont finir par dire “je n'en ai rien à foutre, ce n’est pas mon problème qu'elle aille se suicider après, elle aura eu l'information.” C'est en cela que c'est une régression !

Ces arguments sont toutefois relativisés par Caroline Reiniche :

Il ne s’agit pas de tout dire à n’importe quel moment et de n’importe quelle façon. Le côté anxiogène vient de la manière dont on présente l’information. [...] Notre travail c’est de donner une information appropriée, mesurée, sans se cacher derrière des formulaires avec des mots médicaux compliqués, pour pouvoir dire qu’on est déchargés de toute responsabilité. Ce n’est pas le propos, de dire que ce n’est pas possible d’informer sur tous les risques. Les patientes demandent qu’on ne leur cache rien, c’est tout.

Mais elle ne nie pas la difficulté pour les soignants d’être mis face aux accusations proférées contre eux, alors même que l’intention des soignants est souvent juste et louable.

Les soignants conditionnés par leur formation

L’ensemble des acteurs rencontrés affirment que le taux d’épisiotomie pratiqué par un jeune soignant sera un reflet de ce que ses aînés lui ont appris.

La sociologue et journaliste Nour Richard-Guerroudj l’explique : "Les épisiotomies sont pratiquées par les sages-femmes, selon ce qu’on leur a appris. Il n’y a pas d’émancipation du jour au lendemain, il faut faire bonne figure et se montrer compétent. Et montrer ses compétences, encore aujourd’hui, c’est faire ce que dit le chef. On ne change pas ses habitudes subitement." C’est ce que confirme Caroline Reiniche, en réponse à la question “pourquoi pratique-t-on encore autant l’épisiotomie malgré les preuves apportées par les études scientifiques ?”

Par habitude ! Parce qu’on vous a appris à le faire et qu’on vous terrorise avec ! Et c’est ça qui est dur quand vous êtes jeune diplômé, parce qu’on vous dit « Il faut y aller mollo sur les épisios mais attention au périnée complet ! Le jour où vous ferez un périnée complet vous allez avoir un procès sur le dos », et du coup quand on est face à la situation de choisir de faire une épisiotomie ou non, c’est dur de ne pas le faire. En fait ne pas faire ça s’apprend aussi ! Et ce n’est pas ce qu’on nous apprend à l’école, ça demande de prendre du temps, d’accepter des déchirures naturelles aussi… Il y a encore des maternités où le mot d’ordre c’est « mieux vaut une épisio qu’une déchirure », alors que la science à l’heure actuelle ne dit pas du tout ça. Quand on est formaté à ça, c’est pas facile en tant que soignant de décider, tout seul dans son coin, de limiter les épisiotomies.

Ainsi, pour cette sage-femme, il y a encore aujourd’hui un vrai problème dans l’apprentissage. En particulier, elle pointe du doigt une formation qui dissocie les organes de l’accouchement des organes de la vie sexuelle, et qui occulte le côté psychologique de l’accouchement.

Mais plus encore, l'enjeu est la lecture qui est faite par les soignants de la littérature scientifique. D'après le Code de Déontologie Médicale, les soignants doivent se tenir informés des avancées de la science afin de prodiguer les soins les plus appropriés à leurs patients. Mélanie Décalotte en fait l'analyse :

Les études sont très claires aujourd’hui, il faut arrêter les épisio. Le problème c’est que la littérature médicale, les médecins s’en foutent, ils n’ont pas forcément accès aussi, ça remet en question leur pratique, donc il faut une vraie maturité professionnelle et du courage, pour dire ce que j’ai appris ce n’est pas bon, je dois arrêter. C’est également un problème de la formation des médecins.

De plus, Caroline Reiniche met également en avant le problème de la suture de l’épisiotomie : "La suture est extrêmement importante pour la cicatrisation, et a une incidence sur la vie sexuelle des femmes.”, et pourtant d’après elle l’apprentissage qui en est fait n’est pas bon : “En fait, il y a un manque de temps qui empêche d’avoir un bon encadrement des étudiants en formation sur les sutures. On les laisse suturer seuls très tôt ! Ils n’ont pas d’occasion de progresser car ils ne sont pas surveillés pendant la suture. Cela prend beaucoup trop de temps de rester avec un étudiant pour vérifier que point par point il fait bien sa suture."

Si Israël Nisand confirme l’extrême importance de la suture, il affirme quant à lui que les soignants sont bien formés à recoudre une épisiotomie : "De mon point de vue les sutures ont fait d’énormes progrès en 40 ans, là où on voyait en post-partum des sutures qui suppurent, qui lâchent, je n’en ai pas vu depuis des années. Il y a plusieurs choses qui jouent : la meilleure stérilisation du matériel, l’amélioration des techniques, l’amélioration des fils qui sont résorbables. [...] La suture c’est extrêmement important d’avoir bien appris à la faire, et oui les étudiants sage-femme et les étudiants gynécologues apprennent bien à la faire, c’est la première chose qu’ils apprennent : ils regardent trois, quatre fois puis ils prennent les outils avec quelqu’un qui regarde derrière eux."

Quand aux techniques de suture, le CNGOF encourage à suturer les épisiotomies par un surjet continu plutôt que plusieurs points séparés, connu sous le nom de la suture “un fil un noeud”, qui permet de suturer successivement le vagin, les muscles puis la peau avec un seul fil et en ne réalisant qu’un seul nœud. Israël Nisand, privilégie également une technique de surjet intradermique : "Je passe le fil dans les profondeurs de la peau de manière à ce qu’il n’y ait pas de fils qui sortent de la suture, qui constitueraient des mèches pour faire rentrer les microbes. Le surjet intradermique prend un peu plus de temps, mais il fait moins mal et il y a moins de risques d’infection."

La suture de l'épisiotomie

Mais la formation des soignants dans les études de santé n'a pas qu'une influence sur leurs capacités médicales et chirurgicales. De nombreux acteurs ont évoqué la maltraitance subie par les soignants durant leurs études de santé pour expliquer en partie les maltraitances gynécologiques et obstétricales. En effet, Valérie Auslander dans Omerta au travail, Le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé, Michalon, 2017, recueille des témoignages qui montrent que les étudiants en santé dans les hôpitaux subissent au cours de leur formation des violences verbales, du harcèlement moral, des pressions psychologiques, des humiliations, des interdictions de manger, de s'asseoir, de faire des pauses... Benoit de Sarcus le décrit également : "Quand j’étais interne, il y avait des médecins qui faisaient régner une espèce de terreur permanente : ils terrorisaient les soignants et surtout les élèves sages-femmes".

La sage-femme Caroline Reiniche évoque d’ailleurs les violences verbales et psychologiques, parfois même physique, subies par les femmes dans les études de médecine : "Le sexisme est très présent dans les études de médecine avec tout le folklore carabin qui est extrêmement violent, c’est une culture basée sur des blagues lourdingues à propos des femmes, et c’est tellement décomplexé qu’on le retrouve dans les cours. C’est vraiment une culture dans la médecine en France, l’idée que parce qu’on vit des choses difficiles quand on est médecins, qu’on se retrouve face à la mort, il faut tout dédramatiser mais c’est le seul pays où il y a autant de sexualisation". Cela semble bien donner raison à Mélanie Déchalotte lorsqu’elle affirme : "Les étudiants en médecine sont éduqués au sexisme sur les bancs de l’université". Et en gynécologie-obstétrique, on retrouve particulièrement un système dominant et sexiste, car les seuls patients sont des femmes, et les sages-femmes sont aussi des femmes en majorité.

La violence paraît donc faire partie des études de médecine. Or, les maltraitances subies par les étudiants et les étudiantes en santé ont pour conséquence, selon Benoît de Sarcus, la reproduction d’un schéma de maltraitance envers les patients. Mélanie Déchalotte pose également la question : "Comment peut-on former des soignants bienveillants par la violence ?"(Déchalotte, 2017). La journaliste confirme ce que montrent les propos des soignants qui s’expriment sur la question : "La maltraitance envers les patients est intimement liée à celle dont souffrent les soignants".

Toutefois, la violence qui s’exerce sur les soignants n’est pas uniquement présente dans la formation, mais se retrouve dans une maltraitance institutionnelle du système hospitalier français.

Pression institutionnelle sur les soignants

Les maltraitances envers les femmes et les maltraitances envers les soignants semblent avoir pour origine la gestion et l’organisation des hôpitaux, en faveur d’une rentabilité et d’une productivité optimales, et qui se fait "au détriment d’une meilleure humanisation dans la pratique du soin", d’après Valérie Auslender. En effet, d’après une étude de la Haute Autorité de Santé de 2016, la qualité de vie au travail et la qualité des soins prodigués sont liés. La réduction des effectifs contribue à aggraver les conditions de travail des professionnels de santé, qui, de plus en plus surchargés, manquent de temps pour soigner et accompagner leurs patients, ainsi que pour former les étudiants. Pour Mélanie Déchalotte, "ce tournant gestionnaire est à la fois responsable d’une dégradation de la qualité des soins et d’une augmentation de la souffrance au travail. [...] Pour tenir les objectifs quantitatifs exigés par les gestionnaires, les soignants en sous-effectifs sont contraints de bâcler leurs soins et les relations humaines".

Ainsi, Caroline Reiniche décrit une pression inconsciente qui s’exerce sur les soignants, et qui incite à être plus actif en termes d’actes médicaux réalisés pendant l’accouchement : "Individuellement, si vous demandez à chaque sage-femme, on n’a jamais l’impression de décider de faire quelque chose parce qu’il y a du monde qui presse derrière. Mais en pratique quand il y a effectivement des femmes qui attendent pour accoucher, on ne va pas prendre les décisions avec la même sérénité, et le stress dans lequel on est va induire le fait d’être plus actif, même si on ne se dit pas consciemment qu’il faut libérer la salle rapidement."

Cela aboutit à des situations de mauvais traitements, dans lesquelles les soignants réalisent des actes qu’ils tendaient à réprouver moralement, et d’une manière qui n’est pas en accord avec leur désir premier, celui de soigner. Pour le psychiatre Christophe Dejours, il s’agit d’une "souffrance éthique" pour les soignants, qui pour s’en protéger, développent des "stratégies de défense", dont en particulier, le déni de la souffrance provoquée par les actes prodigués à leurs patient.

Nour Richard-Gerroudj emploie quant à elle le terme de "violences institutionnelles" pour définir l’effet du système hospitalier sur la qualité des soins. La souffrance des soignants se répercute sur les patients : "l’institution broie le patient, elle est conçue de façon managériale avec la réduction des coûts".

C’est ce que montre également Israël Nisand, lorsqu’il explique que "le manque de moyen devient dangereux pour les femmes un peu partout". Il affirme qu’aujourd’hui, une sage-femme s’occupe simultanément de quatre accouchements. Il s’insurge devant l’exemple de maternités qui n’ont pas les moyens suffisants pour fonctionner sans que la sécurité des patientes soit mise en danger : "Il y a une maternité à Bordeaux, 5500 naissances par an, avec un seul médecin de garde. Le gars, jeune agrégé, me dit “chaque nuit j'ai à choisir entre trois césariennes pour décider laquelle est la plus urgente”. Cela va mal se terminer, c'est une maternité qui roule sur 3 roues ! Quand vous avez une voiture qui roule sur 3 roues, vous la laissez au garage." Pour lui, le problème se tient dans les moyens accordés aux hôpitaux : "C'est cela qu'il faut savoir, la sécurité des femmes est gravement obérée par des décisions qui transforment l’hôpital en entreprise".

Les témoignages des professionnels de santé interrogés convergent donc autour de la dénonciation d’un système de santé privé de moyens, qui fonctionne mal, et dont l’exigence gestionnaire entraîne sinon un délabrement du lien particulier entre les patientes et les soignants, du moins une dégradation de la qualité des soins. Ainsi, les accusations des femmes sont vécues comme une violence supplémentaire venant s'ajouter à la violence subie par les soignants dans leur travail. Toutefois, la sage-femme Caroline Reiniche tient à relativiser cette violence, et à remettre les choses dans l'ordre :

Le déni c’est de tout mettre sur le même plan. Dire que cette histoire de gynécobashing, à travers la parole des patientes, est aussi violente que les violences qu’elles ont subies, ça franchement c’est vraiment grotesque et disproportionné. Oui bien sûr on a des conditions de travail pénible et on en a bavé pour arriver là, et pour l’immense majorité on est pétris que de bonnes intentions mais ce n’est pas comparable à ce qu’on peut faire vivre aux patientes et mettre ça sur le même plan c’est vraiment indécent.

Il reste néanmoins vrai que la pression du système hospitalier encourage également un conflit entre les différentes professions médicales, en obstétrique il s’agit des sages-femmes et des gynécologues-obstétriciens. qui est néfaste pour la sécurité des femmes.

Israël Nisand évoque les dangers d’une "querelle corporatiste", avec des sages-femmes qui sont "en constante querelle avec les médecins" et qui souffrent "d’une espèce de difficulté d’exister chronique et permanente". C’est un problème, car l’interdépendance entre les sages-femmes et les médecins est réelle en obstétrique, et la nier est dangereux :

J’ai besoin d’effecteurs médicaux pour piloter ma salle d’accouchement quand je suis de garde, et ces effecteurs médicaux ça s’appelle des sages-femmes. Si elles sont là sur une revendication d’indépendance par rapport au médecin, on ne peut juste plus travailler ensemble. A ce moment là je licencie les sages-femmes que j’ai en salle d’accouchement, pour prendre des infirmières ! [...] Je dis honte aux médecins qui taclent les sages-femmes, mais aussi honte aux sages-femmes qui ne peuvent pas travailler avec des médecins. [...] La vraie hiérarchie dans un hôpital c’est la hiérarchie de la connaissance, pas la hiérarchie du titre. Il faut que les sages-femmes soient capables de travailler en relation et de savoir où s’arrêtent leurs compétences.

Et Caroline Reiniche évoque du point de vue de sage-femme cette question de hiérarchie, à travers une "crainte de se faire engueuler" par le médecin chef de service, par exemple suite à l'irruption d'une déchirure lorsqu'aucune épisiotomie n'a été pratiquée. Toutefois, elle sépare cette hiérarchie existante des questions de violences obstétricales : "Ce n’est pas une problématique de gentille sage-femme contre méchant médecin. Cela n’empêche pas qu’on ait des regards qui peuvent être différents sur l’accouchement, mais les sages-femmes ne sont pas du tout exemptes des problématiques de violences."

Israël Nisand pointe également du doigt le fait que la profession de sage-femme aille mal, car les sages-femmes sont au chômage alors que les services de gynécologie-obstétrique ont besoin d’être renfloués : "Il y a des milliers de sages-femmes qui sont au chômage, parce qu’on continue d’en fabriquer 1000 par an, mais les hôpitaux recrutent pas. Donc que font les sages-femmes sorties d’étude qui ne trouvent pas de job ? Elles s’installent avec 0 d’expérience. On est en train de précariser complètement une profession qui n’aura pas de débouché si ce n’est de faire des actes qu’elles ne savent pas faire."

En conclusion, la controverse semble dériver sur l’hôpital en tant qu’institution : la partie immergée de l’iceberg, dont on ne voyait de prime abord que la face visible, constituée par les revendications en faveur d’une meilleure prise en compte du vécu des femmes. Pour Nour Richard-Gerroudj, “le patient est en fin de maillon, il n’est pas au cœur. C’est le problème de l’institution et de la hiérarchie qui prend le pas sur les patients.”

IV La confiance au centre des enjeux dans la relation soignant-soigné

Ainsi, les enjeux soulevés par la controverse autour de l'épisiotomie semblent se cristalliser sur le lien de confiance existant entre les soignants et les soignés selon les principes fondamentaux du soin médical, et qui apparait comme mis en danger.

La rupture de confiance

Tous les acteurs rencontrés sont unanimes, le rapport soignant-soigné s’appuie sur une confiance qui devrait être théoriquement totale, de la patiente envers son médecin. Pour Caroline Reiniche les soignants qui entendent parler des revendications des femmes se disent “Mais pourquoi est-ce qu’elles ne nous font pas confiance ?”. En effet, tous s’accordent à dire que si une parturiente a été correctement suivie tout au long de sa grossesse, qu’aucune information ne lui a été cachée et que toutes ses questions ont pu trouver une réponse au sein du personnel médical, il n’y a aucune raison pour qu’un acte comme l’épisiotomie, même effectué dans la précipitation, soit interprété comme une intrusion dans son corps ou une mutilation.

Aujourd’hui, plusieurs médecins affirment que cette confiance a été rompue et ce notamment depuis l’émergence des réseaux sociaux et la prise en main du sujet par les médias. Ainsi, Georges Mellier déclare :

Est-ce que maintenant on doit remettre les pendules à l’heure ? Oui, avec l’explosion dans les médias. Lorsque l’on est dans sa grossesse, il y a une relation de confiance qui s’établit entre la personne qui suit la grossesse et l’équipe où elle va accoucher, c’est à la base de toute relation médicale, et il ne faut pas perdre cette confiance et toutes les informations polémiques vues dans la presse engendreraient une défiance par rapport au corps médical. Les patientes ont eu subitement envie de penser à ça, aux violences etc, et donc au lieu de partir confiants, les gens partaient méfiants.

A cela, Israël Nisand ajoute :

A cause des réseaux sociaux et des médias sociaux, c'est la régression de la prise en charge de la santé des femmes. Une régression majeure. Nous sommes gynéco depuis 35 ans, et nous voyons ça ces dernières années. C'est très délétère pour la santé des femmes. Parce que une petite minorité hurlante peut faire de façon virale croire à des fake news au niveau de la santé, des femmes surtout puisqu'on parle de contraception, de grossesse, d'intimité, donc c'est très évident dans ce domaine. C'est un drame, pas du tout une avancée. La pilule, la méthode Essure, tout ça ces des histoires de blogs. 

Ce sont donc ces “fake news” qui briseraient la confiance, pourtant très forte en France, envers les médecins.

En effet, Brigitte Letombe, également gynécologue argumente dans ce sens et confirme ce point :

Brigitte Letombe : Aujourd'hui les médecins commencent à être aigris, fatigués, ils ne vont plus s'investir autant, d'autant qu'ils ne perçoivent plus la confiance. On a perdu la confiance, ça c'est un drame.(...) On a une partie des femmes aujourd'hui qui ne veulent pas d'examens gynécologiques et qui considèrent qu'en faire un est un viol, parce que c'est une pénétration.

Cette conception des médias et des réseaux sociaux s’oppose tout particulièrement à celle des collectifs qui se mobilisent autour de la question de l’épisiotomie et plus largement des violences obstétricales puisque pour Marie-Hélène Lahaye ou encore Caroline Reiniche, les réseaux sociaux ont au contraire permis une prise de conscience par tous d’une réalité, sans en être nécessairement la victime et permettent aussi aujourd’hui de préparer un accouchement plus rassurant et moins dur pour les femmes.

Si cette confiance s’est effritée, c’est aussi parce que l’expertise unique des gynécologues s’est vue remise en cause. En effet, d’après Nour Richard-Guerroudj, depuis le renforcement de la démocratie sanitaire, c’est-à-dire une démarche visant à développer la concertation de tous les acteurs du système de santé et le débat public, les patients ont cherché à acquérir des connaissances plus profondes et sérieuses autour des sujets médicaux. Cette démarche, comme le rappelle la journaliste, a été rendue possible grâce aux malades du sida, dans les années 1980, qui ont osé confronter les médecins et qui ont dû pour cela se documenter pour pouvoir parler d’égal à égal avec leurs soignants. Pour Mélanie Déchalotte, également journaliste, cette transformation est telle que « Depuis le sida, il y a eu un changement dans la relation soignants-soignés. Du jour au lendemain, le patient savait plus que le médecin de quoi il souffrait. L’expertise du patient est devenue centrale par rapport à celle du médecin, les patients en connaissent plus que les médecins. Ça a fait bouger les choses, par rapport aux générations d’avant : les patients veulent être informés et qu’on respecte leur droit. On n’est plus soumis aux docteurs qui a forcément raison et je dois faire tout ce qu’il me dit. C’est aussi grâce à internet. »

Le même cheminement est selon ces deux journalistes applicables à la question de l’épisiotomie et des violences obstétricales. Il y a l’émergence d’un savoir profane des femmes notamment grâce à Internet, comme le rappelle Marie-Hélène Lahaye, qui a rendu possible la communication des femmes entre elle au travers des forums. Les publications scientifiques sont dorénavant en libre accès permettant ainsi à toutes de comprendre les aspects techniques mais aussi de lire les articles démontrant l’inefficacité de l’épisiotomie. La place que ces femmes prennent dans l’espace public en mettant en avant l’acquisition de cette expertise, comme avec les interventions de Marie-Hélène Lahaye à la radio, l’émission réalisée par Mélanie Déchalotte sur France Culture, remet bel et bien en cause la parole des médecins à qui il apparaît difficile de continuer à faire confiance. De cela résulte une tension inévitable puisque les médecins refusent qu’on remette en question leur savoir.

La difficile réaction de la profession des gynécologues-obstétriciens face à la question des violences obstétricales

Et si la question de confiance est tant soulevée par chacun des acteurs, c’est parce que la montée des revendications des femmes se heurte aux réponses des gynécologues-obstétriciens.

Tout d’abord, la question de confiance, notamment autour de l’épisiotomie est mise à mal en raison du désaccord sémantique autour de la qualification de cet acte chirurgical : simple acte médical, violence obstétricale, mutilation, viol ? Comment faire confiance à une profession qui pratique des viols et violences ?

Benoît de Sarcus, comme Marie-Hélène Lahaye soutient le terme de « mutilation », au même titre que l’excision, pour l’épisiotomie injustifiée car il estime que seul l’adoption d’un terme aussi fort pourra faire changer les mentalités et les médecins. A contrario, pour Israël Nisand, il est inconcevable de parler de violences :

J'interroge beaucoup des collègues sur les histoires de maltraitances obstétricales, très mal appelées violences obstétricales, ce que nous ne supportons pas parce que violence conjugale c'est délibéré, violence obstétricale il y a aucun médecin qui se lève le matin en disant « tiens je vais aller faire des violences obstétricales ». L'accouchement est une violence que nous cherchons à diminuer au minimum, mais c'est un évènement violent au cours duquel 80 femmes décèdent chaque année en France, donc c'est pas 0, même si ça ne se voit plus dans son entourage. Mais nous ne sommes pas violents. 

Il s’oppose ainsi à Mélanie Déchalotte pour qui le débat est sans équivoque,

Certains établissements sont dans une croisade contre l’épisiotomie. Les résultats sont très satisfaisants. Il n’y a que du bon à éviter l’épisiotomie. L’épisiotomie n’améliore pas l’état néo-natal. Toutes les études montrent qu’il faut arrêter l’épisiotomie. C’est pourquoi c’est une violence, on sait qu’on peut faire moins et sans, donc évidemment que c’est une violence. 

Sur la question du viol, elle ajoute, « Mais l’épisio, c’est un acte médical, il y a pénétration sexuelle avec des ciseaux. Donc certaines femmes le vivent comme un viol (sans informations, sans consentement, intimidation, etc). Ce sont des actes vécus, même si bien sûr ils sont médicaux, comme des agressions sexuelles. » Ainsi, bien qu’il apparaisse difficile de qualifier l’acte même d’un viol, il reste tout de même légitime de comprendre les femmes qui le qualifieraient comme tel.

Or, aujourd’hui le rapport demandé par la Secrétaire d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, place bien l’épisiotomie comme part des violences obstétricales. Cette prise de position de Marlène Schiappa contre l’épisiotomie et d’autres pratiques a suscité une vive opposition de collectifs de gynécologues puisque les chiffres présentés devant le Sénat étaient erronés - la Secrétaire d’Etat a notamment annoncé le chiffre de 75% d’épisiotomies qui était le taux pratiqué dans les années 1970. Benoît de Sarcus confirme que “la profession a mal réagi” face à l’interpellation de l’ensemble des métiers de l’accouchement sur la question des violences obstétricales. En effet, Caroline Reiniche complète ce point puisqu’elle indique que « les sages-femmes aussi se sentent attaquées ».

Le corps médical a eu l’impression que leurs professions étaient mise en danger par le débat autour des violences obstétricales qui leur était “collé sur le dos”. Les ténors de la profession, et notamment Israël Nisand ont réagi très personnellement à la controverse pointée, ce qui a été largement critiqué par Marie-Hélène Lahaye notamment au sein d’articles publiés sur son blog(Lahaye, 2017) .

Les conséquences qui résultent de cette mise en avant sur le débat public de la controverse autour de pratiques comme l’épisiotomie, sont plutôt un resserrement des liens de confraternité, comme l’explique C. Reiniche, ce qui est plutôt contre-productif en termes de communication soignant-soigné :

Comment peut-on défendre Israël Nisand ! Cela fait des années qu’il dit des horreurs sur tous les sujets qu’il apporte... Quand on discute individuellement avec les médecins et les gynécos, y en a une partie qui vont désavouer Israël Nisand en privé mais qui ne le feront jamais en public et c’est là où y a un autre aspect du pouvoir des soignants qui est visible, c’est le principe de la confraternité qui a été complètement dévié de son intérêt originel c’est-à-dire que effectivement on fait des boulots difficiles et se serrer les coudes et se soutenir les uns et les autres c’est bien, mais quand on en vient à couvrir les violences faites par d’autres, là on outrepasse parce que avant de se défendre entre nous, on doit défendre les patients, la loyauté avant d’aller aux confrères elle doit aller aux patients et c’est pas comme ça que c’est défendu à l’heure actuelle, les conseils de l’ordre ont une forte  part de responsabilité dans la priorité médicale qu’il faut avoir, d’ailleurs sur les VO, gynécologiques, les patientes qui ont eu le courage de porter plainte se sont retrouvées face à des murs et avec des experts pas du tout objectifs et dans l’idée de défendre leurs collègues 

Israël Nisand semble justifier ce principe de confraternité, qui serait essentiel, car pour lui « À tacler le corps médical comme cela a été fait ma question c'est qui accouchera nos filles ? Plus personne ne veut faire ce métier. C'est un métier ou on est debout à trois heures du matin et il y a une hémorragie de la délivrance, une femme qui est en train de mourir, on a plus d'infirmières, plus de sages-femmes autour de nous, on est tout seul, c’est-à-dire qu'à 50 ans c'est le premier infarctus, alors que si on avait été faire de la dermato et gratter des boutons... », la corporation implique la confraternité et le soutien dans une profession de plus en plus difficile.

Le CNGOF a d’ailleurs formulé des recommandations sur le taux préféré d’épisiotomies en 2005, celui-ci ayant été fixé à 30%. Sur quelles bases scientifiques ce taux a-t-il été établi ? Il semble que ces recommandations aient été prises tout en garantissant la sécurité de la profession de gynécologue-obstétricien, en diminuant les risques de plaintes, qui pourraient s’appuyer sur le taux d’épisiotomies pratiqué dans un hôpital. Ainsi, si ce taux reste en dessous de 30%, les plaintes seront difficilement reçues. De plus, le CNGOF précise bien que tout est laissé à la libre-décision du praticien. Ainsi, en cas de litige entre soignant et soigné, on aboutit à une situation de parole contre parole qui se solde souvent par une légitimation de la décision du médecin.

Enfin, l’implication politique de la secrétaire d’Etat et la demande du rapport sur les violences obstétricales a été perçue comme un coup ultime portée à la profession. Georges Mellier soutient que la démarche de Marlène Schiappa a contribué à détruire un peu plus cette confiance déjà très fragilisée entre les parturientes et les médecins :

Elle fait son travail, elle améliore la condition féminine mais elle est quand même souvent maladroite parce que le but est de faire avancer les choses et pas casser la confiance entre médecins-sages-femmes-patientes et en annonçant des chiffres faux elle a cherché à faire du buzz, elle a voulu taper fort sur la table mais pour moi c’est pas comme ça qu’on garde la confiance et qu’on fait avancer la médecine. Qu’elle soulève le problème et qu’elle ait son mot à dire par rapport à ça, on est d’accord, maintenant il y a une manière de faire.
Le président du Collège a réagi de manière très virulente très vite et je ne peux que le soutenir, Israël Nisand est quelqu’un d’humain qui a fait progresser de manière très positive tout ce qui est la prise en charge des IVG, surtout pour les plus démunis, il travaille sur le déni de grossesse, l’éducation sociale face à la pornographie etc, je ne fais pas sa défense il n’en a pas besoin mais quand un gars comme ça réagit de manière aussi forte c’est bien que c’était too much, too much vis-à-vis du corps médical, beaucoup beaucoup trop qui n’apporte rien au corps médical mais entraîne que du négatif et détruit la relation de confiance qu’il faut maintenant rétablir 

Pour Israël Nisand, défini comme le principal interlocuteur en raison de son statut de président du CNGOF, il apparaît totalement injustifié que ce rapport ait été confié au Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) et non au Ministère de la santé.

Et en plus elle n’est pas du Ministère de la santé ! Elle n’a aucune raison d’aller faire un rapport là-dessus ! Ça n’a rien à voir avec l’égalité homme-femme cette histoire ! Il n’y a plus que des femmes dans les maternités ce n’est pas un problème de genre ! J’ai posé la question à la Ministre de la santé, de savoir pourquoi c’était Madame Schiappa qui se chargeait de faire un rapport sur les violences obstétricales, et elle a semblé ne pas savoir que ce rapport avait été commandé. Je suis tombé de ma chaise ! Avec mes collègues on n’en revenait pas de cette mauvaise foi. 

Ainsi, ce rapport qui se voulait l’opportunité d’inclure tous les acteurs du système médical et de faire un état des lieux poussé de la situation des violences dans les maternités en France n’a conduit qu’à cristalliser encore plus les tensions et instaurer une sorte de dichotomie entre les médecins et les femmes alors qu’une telle séparation n’existe pas. Israël Nisand est formel, la question posée n’est pas la bonne, le sujet adressé ne devrait pas être les violences obstétricales mais une défaillance du système médical en terme de moyens et surtout les chiffres et données qui ont pu être avancés sont erronés et insultants pour la profession qui n’a pas été interrogée en amont du rapport :

Israël Nisand : Et moi j’ai refusé d’y aller, j’ai interdit à tout le collège d’y aller, et j’ai eu une pression très forte de la présidente du rapport, qui m’a prié d’y participer, mais je lui ai dit que je n’allais pas me rendre à une convocation de madame Schiappa qui nous a injurié, et qui au lieu de s’excuser nous convoque à un rapport ? Et elle n’est pas compétente pour se saisir de cette question ! Elle n’est pas compétente sur la quantité de personnel dans les maternités et pourtant c’est bien ça l’enjeu ! C’est combien on est pour faire tourner les maternités !
Madame Schiappa est prévenue par moi que le jour où son rapport sort, je passe sur toutes les radios et télés pour dire que c’est de la merde.
Madame Schiappa a dit qu’on maltraite les femmes noires et handicapées et qu’on fait 75% d’épisiotomies. D’après l’enquête périnatale de 2016 on fait 20% d’épisiotomies dans notre pays. Ce n’est pas contestable, ce sont des chiffres INSERM. Mais pire, elle dit que les médecins n’écoutent pas les douleurs des femmes. Que les médecins ne savent pas traiter l’endométriose. Et elle, elle sait ? Comment on peut dire des choses pareilles ? Comment elle veut qu’on prenne ça ? Attendez, on a affaire à une blogueuse de 33 ans sans diplôme, elle vient nous faire des leçons ? Je m’attendais à ce qu’elle s’excuse en disant qu’elle s’était un peu emportée, j’aurais accepté, j’aurais dit « écoutez madame si vous voulez aider la profession et de fait, les femmes, il faut s’y prendre autrement ». Mais elle ne s’est pas excusée elle a dit « puisque vous dites que c’est pas vrai, je vais faire un rapport ».
Alors moi j’ai téléphoné au représentant des internes en gynéco-obs et je lui ai dit « si t’y vas, ta carrière est finie ». J’ai fait la même chose avec tous ceux qui étaient invités. Il y a certains comme le gars de Nanterre qui y sont allés parce que ce sont des électrons libres qui disent n’importe quoi, mais la profession dit non à ce genre de manœuvres. Et je pense qu’il faut avoir une certaine fierté, parce que la question c’est « qui accouchera nos filles ? » On est en train d’attaquer une profession qui est hyper dure, pour laquelle il n’y a plus de vocation, on vide les maternités. Ce n’est pas bien d’avoir de la mauvaise foi et des injures envers une profession qui est aussi utile ! Parce qu’on ne va pas faire tourner l’obstétrique avec les sages-femmes !
Nous : Etes-vous favorables à ce que le ministère de la santé s’en occupe ?
Israël Nisand : Oui ! Admettons qu’il y ait un problème avec la maltraitance des femmes, ce qui ne me parait pas une évidence. Alors on en parle, on se met autour d’une table, et là on va voir les causes ! Et nous on ne demande pas mieux que les cause soient repérées ! Et madame Schiappa on ne peut pas lui raconter que ça ne va pas bien dans les maternités, elle veut juste trouver de la maltraitance des femmes par les hommes. Dans le Haut Conseil qui dirige le rapport il n’y a aucun médecin. Il y a un vétérinaire et un pharmacien, des fonctionnaires du ministère de l’égalité homme-femme. Alors moi je questionne : « où est la compétence là-dedans ? » Il fallait des directeurs d’hôpitaux, des directeurs des ressources humaines… Alors dès que le rapport sort je dirai dans tous les micros, « très bien madame Schiappa, bravo ! Vous continuez la destruction d’une discipline qui est indispensable ».
(…) Il y a des structures complètement débordées qui dysfonctionnent ! On enlève du personnel et après on gueule contre les médecins quand il y a un pépin ? Il faut arrêter ça. Il doit vraiment y avoir une prise de conscience, et c’est mon rôle de président du Collège, de dire « attention, nous on est vraiment là pour défendre les femmes ». (…) On a besoin des sages-femmes plutôt que d’en avoir une qui court pour 4 accouchements alors qu’on en a plein au chômage ! Ça ne va pas ! Il faudrait que les équipes soient nombreuses, que travailler en maternité redevienne un enthousiasme ! Parce que maintenant on veut plus travailler en maternité, les gens rechignent pour prendre les gardes… 

Des avis opposés ou du moins plus nuancés se font entendre à propos de la portée de ce rapport, pour Mélanie Déchalotte, ce n’est pas parler qui crée de la défiance mais le fait de dénigrer la parole des autres, ce qui semble apparaître dans cette controverse au vu du nombre d’acteurs défini qui laisse entrevoir un conflit parfois personnel entre certains personnages. Ainsi, la journaliste estime qu’il n’y a pas de grands espoirs à porter autour du rapport mais que celui-ci peut être un tremplin pour que des solutions émergent de la société civile et ainsi permettre qu’il n’y ait pas confiscation de la parole des femmes. L’action des pouvoirs publics constituent néanmoins un levier pour lutter contre les violences obstétricales au même titre que les soignants et les femmes. Elle compare le processus de dénonciation des violences obstétricales à celles des violences domestiques. Tout d’abord, les femmes parlent, ensuite les médecins s’y penchent, et enfin le pouvoir public désamorce le conflit. Pour elle, il est nécessaire que le politique prenne des mesures afin de forcer les soignants à réagir et changer leur pratique. Quant à Marie-Hélène Lahaye, elle estime que la prise en charge politique de cette question est une étape importante, cela permet de franchir l’étape où les femmes parlent mais ne sont pas entendues. De plus, le sujet est récupéré par les médias, ce qu’il permet de développer médiatiquement la question. Pour elle, il n’y a pas de risque que la parole des femmes soit récupérée et bloquée car elles pourront toujours critiquer les mesures prises ou l’inaction des politiques suite à ce rapport.

Les solutions pour recréer cette confiance

Si ce problème de confiance a bien été identifié et pointé du doigt par tous, des pistes pour recréer de la proximité entre soignants et soignés sont avancés à différents niveaux.

Pour les sages-femmes, le meilleur moyen de rassurer les femmes et de leur apporter un suivi complet et personnalisé est l’accompagnement global. Comme le signale Caroline Reiniche, ce moyen est la solution proposée unanimement par les sages-femmes sur ce problème. Le suivi global par une même sage-femme tout au long de sa grossesse, avec des rendez-vous plus longs, plus approfondis, de l’accouchement au retour à domicile assurerait une continuité et permettrait de garantir que chaque crainte et possibilité ont été traitées. Encore une fois, le manque de moyens est pointé du doigt : « Mais c’est très peu possible parce que ça demande énormément de personnel parce qu’avec le suivi global c’est pas possible de s’occuper d’autant de patientes par mois, à l’heure actuelle à l’hôpital parce que tout simplement c’est pas les mêmes patientes qui sont en salle de naissances, en consultation en suite de couches, et une fois qu’on quitte l’hôpital c’est d’autres sages-femmes qui vont venir… ». Une deuxième voie, elle encore proposée par les sages-femmes est la mise en place de plus de maisons de naissance, c’est-à-dire des entités attachées aux maternités entièrement gérées par les sages-femmes dans le cas de grossesses non-pathologiques. Dans ces entités, selon Benoît de Sarcus, il serait plus simple de favoriser les positions non-traditionnelles d’accouchement, les méthodes alternatives, etc. Israël Nisand met cependant en garde quant aux dérives médicales :

Aujourd’hui on a fait toutes les maternités aux normes dans toute la France et on remet des maisons de naissance à distance des maternités. Je ne suis juste pas d’accord ! Faire des fioritures pour le confort des patientes moi je veux bien mais alors on les fait sans empiéter sur la sécurité. J’ai mis huit maisons de naissance chez moi en CHU, et j’ai fait ça en Alsace parce qu’à côté en Allemagne on avait des sages-femmes qui baratinaient pour louer des appartements et faire accoucher les femmes dedans ! Et on a vu arriver des catastrophes ! Parce que quelles sont les femmes qui demandaient ça, c’était celles qui avaient eu des pépins lors de leurs accouchements précédents, et elle se disaient c’est à cause de l’hôpital que j’ai eu ce pépin, maintenant je vais faire autrement. 

De plus, depuis la Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, la place croissante prise par les usagers au sein du système de santé est institutionnalisée au sein des commissions des usagers, obligatoires dans chaque hôpital. Cette commission est installée dans chaque établissement de santé pour représenter les patients et les familles. Benoît de Sarcus, médecin médiateur au sein de ces commissions à l’hôpital de Nanterre, estime que ces commissions d’usagers pourraient être un moyen pour les femmes qui ne se sentiraient pas écoutées ou incomprises de s’exprimer enfin dans un environnement multi-professionnel et dont les résultats seraient selon lui meilleurs que le dépôt de plainte en justice.

Avant cette étape, il rappelle tout de même que le point de passage obligatoire pour chaque équipe dans les maternités est d’aller débriefer avec les parturientes sur leur accouchement, évoquer les points qui ont pu les déranger, expliquer l’utilisation de telle ou telle technique, la pratique d’un certain acte, répondre à leurs questions sur la suite des soins qui leurs seront prodigués et leurs droits (sages-femmes à domicile, etc). En effet, Israël Nisand le confirme « l’absence de débriefing d’un accouchement qui s’est mal passé, c’est une vraie cause de traumatisme». Aussi, ces questions doivent impérativement être abordées sur chaque accouchement lors des réunions matinales quotidiennes regroupant les médecins et les sages-femmes. Pour Barbara Strandman, cette solution est la plus unanime et devrait être rendue obligatoire, une discussion post-partum entre les équipes et la parturiente doit être le premier moyen de libérer la parole et faire part des crispations et tensions ressenties lors de l’accouchement.

Nour Richard-Guerroudj résume simplement cette idée :  seule une réflexion commune soignants/soignés au sein d’un dialogue où chacun peut exprimer ses désirs et choix peut recréer de la confiance.

Pour aller plus loin, Israël Nisand propose lui, l’instauration d’un label jugeant la « qualité » des maternités, misant tout sur la transparence. C’est, selon lui, le seul moyen de pouvoir juger et aller si l’on fait face à des médecins maltraitants.

CNGOF

Ce label, instauré par le CNGOF et présenté par la presse en décembre 2017, afficherait 14 critères dont afficher les taux d’épisiotomies et de césariennes, élaborer un projet de naissance pour la maman, promettre la formation régulière des personnels à la bientraitance, etc. "On a fixé une limite en deçà de laquelle une maternité ne pourra pas être labellisée, par exemple le taux national de césariennes étant à 20%, si une maternité est à 40% de césariennes, c'est qu'il y a un souci." Les femmes qui fréquenteront un établissement labellisé pourront ensuite répondre à un questionnaire portant sur la qualité des soins et de l'accueil. Si elles ne sont pas satisfaites, le Collège national des gynécologues et obstétriciens pourra lui retirer son label. Par exemple, ils reprennent la nécessité d’un entretien après l’accouchement : si au moins 90% des femmes ne témoignent pas avoir eu droit à ce debriefing, le label ne sera pas attribué. Les praticiens s'engagent enfin à réévaluer les établissements une fois par an. Le CNGOF espère qu'au moins 400 maternités sur les 550 comptées en France joueront ce jeu de la transparence. Ce processus permettra de manière certaine selon lui de regagner la confiance des patientes qui auraient le choix de leur maternité et pousserait ainsi forcément les maternités à être plus compétentes. Ce label devrait voir le jour en juin 2018. Pour Mélanie Déchalotte, bien que cette idée ne soit pas à balayer, elle présente un problème fondamental, les médecins seraient encore une fois jugés par leurs pairs c’est-à-dire le CNGOF et non une autorité indépendante et extérieure :

Si les soignants n’ont pas la pression du pouvoir public et des femmes, ils vont faire semblant de bouger, avec une petite réforme avec des labels, mais ce n’est pas aux gynécos de gérer. On ne peut pas être juge et parti. Il faut que ce soit gérer par l’état et des associations d’usagers. Pleins de solutions, mais ce label n’en ait pas une, il serait aux mains du monde médical, complètement stupide. 

Conclusion

En somme, la controverse autour de l’épisiotomie est révélatrice de plusieurs points.

  • Dorénavant les parturientes veulent avoir la maîtrise de leur intégrité physique, qui pour elles peut être bafouée par des actes comme l’épisiotomie où l’on ne demande pas le consentement et où on ne leur fournit pas assez d’informations. Celles-ci osent s’exprimer au travers de différents outils (média et collectifs) pour revendiquer leurs droits n’hésitant pas à contredire la parole du médecin et exiger un respect de la loi qui ne semble pas adaptée.
  • La médicalisation de l’accouchement, ayant entraîné une systématisation de l’épisiotomie, qui a pu être perçue dans les années 1960 comme une avancée dans les droits des femmes puisque la priorité était la sécurité pour tous, mères et enfants à la naissance, est à présent remise en cause au profit de pratiques plus respectueuses, moins violentes.
  • Cependant, ces revendications ne peuvent être prises en compte tel quel puisqu’un des problèmes à adresser est inhérent au système de santé actuel : des formations, habitudes et un manque de moyens chronique qui empêchent les soignants, sages-femmes comme médecins de réaliser leur travail dans des conditions acceptables.
  • La qualification de “violences” quant aux actes médicaux est jugée parfois sévère, bien que l’épisiotomie ait été démontrée sans bénéfices pour protéger contre les déchirures, les cas où la pratique persiste peuvent être expliqués ou justifiés.
  • Aussi, la place du médecin en général est remise en question puisque l’interaction soignant-soigné s’est dégradé au cours de ces dernières années conduisant à une rupture de confiance qui est pourtant considérée par chaque acteur comme pilier de l’accouchement. Les savoirs et vécus de tous se confrontent : médecins contre médecins, médecins contre sages-femmes, parturientes contre soignants avec dans chaque groupe des voix plus ou moins extrêmes.
  • L’irruption de l’Etat sur le sujet des violences obstétricales redistribue en quelque sorte les cartes puisque chaque acteur est invité à se positionner ou non. La publication dans les prochaines semaines du rapport commandé au Haut Conseil chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes est vivement attendu par toute la communauté autour de l’épisiotomie et pourra permettre de continuer le débat.

L'épisiotomie, kézaco ?

L’épisiotomie est une intervention chirurgicale durant laquelle les médecins ou sages-femmes sectionnent la muqueuse vaginale et les muscles superficiels du périnée dans le but d’agrandir l’orifice de la vulve. Cette incision sectionne en particulier le muscle releveur de l’anus.

Le périnée est l’ensemble des parties molles constituant le plancher du petit bassin. C’est donc l’espace situé entre la fourchette vulvaire et l’anus. Comme le rappelle le docteur Georges Mellier, il est important de connaître l’anatomie du périnée : l’orifice vulvaire est constitué de l’entrée de la vulve et du noyau fibreux central du périnée qui est une formation épaisse, dure en dessous duquel se trouve l’anus et le sphincter de l’anus. Plusieurs muscles composent cette partie du corps comme le muscle transverse du périnée et les muscles releveurs de l’anus. Lors de l’accouchement, le bébé descend et se tourne dans le bassin en appuyant sur ces différents muscles. Ces muscles qui sont des tissus mous sont très étirés et étirables. Au moment où la tête du nouveau-né descend, les muscles attachés au sphincter remontent et activent les muscles releveurs de l’anus qui une fois contractés ouvrent l’anus.

Anatomie du périnée

Source: Wikipedia

A ce moment, des déchirures plus ou moins graves du périnée, et en particulier des fibres musculaires de l’anus peuvent avoir lieu, les plus sévères étant les déchirures du 3e et 4e degré concernant 0,25 à 3,7% des femmes. Ces déchirures peuvent donner lieu à de l’incontinence urinaire, anale ou encore des troubles de la fonction sexuelle.

L’épisiotomie est pratiquée au moment où la tête du bébé est visible, lors d’une contraction et l’incision de la paroi vaginale est effectuée à l’aide d’un ciseau. Au préalable, la future maman est anesthésiée localement, si elle n’est pas déjà anesthésiée par péridurale.

Il existe trois types d’épisiotomie qui diffèrent sur l’angle et le point d’incision.

  • L'épisiotomie médio-latérale est très majoritairement pratiqué en France. Elle débute de la fourchette vulvaire, vers la région ischiatique avec un angle de 45° par rapport à la verticale (voir schéma) sur environ 6 centimètres. Durant cette intervention sont touchés la peau, la paroi vaginale, le noyau fibreux central du périnée et le faisceau pubo-rectal.
  • Il existe aussi l’épisiotomie médiane, pratiquée aux Etats-Unis qui débute au niveau de fourchette vulvaire verticalement vers l’anus en sectionnant le noyau fibreux central du périnée sur environ 4 centimètres. Elle permettrait d’avoir de meilleurs résultats esthétiques et une meilleure cicatrisation cependant l’épisiotomie médiane n’est pas pratiquée en France car elle ne protègerait pas assez le sphincter anal en cas d’expulsion trop brutale.
  • Enfin, un troisième type d’épisiotomie existe, l’épisiotomie latérale qui consiste à sectionner horizontalement selon un axe de 90° à partir de la fourchette vulvaire. Cependant, cette dernière technique n’est plus utilisée dans le monde médical car elle entraînerait beaucoup de complication dont une asymétrie vulvaire et la lésion des glandes de Bartholin12 .

La suture de l’épisiotomie est également très importante. On distingue deux types : la suture en trois plans séparés où l’on suture de manière successive le plan vaginal, le plan musculaire et le plan cutané, et la technique « un fil un nœud » ou « surjet continu » où l’on suture de manière continue les trois plans.

L’épisiotomie peut engendrer plusieurs conséquences : en salle de naissance, elle augmente le risque d’hémorragie du post-partum. En suite de naissance, elle augmente le nombre de plaintes pour douleurs périnéales. Enfin, jusqu’à plusieurs semaines après l’accouchement, elle génère des dyspareunies (douleurs ressenties lors de rapports sexuels).

Une controverse pour quels acteurs ?

CIANE :

Collectif InterAssociatif autour de la NaissancE, regroupant des associations dont les ressources et les compétences sont variées. Grâce aux outils de coordination fournis par Internet, le CIANE a pu construire une articulation entre une expertise tirée de l’expérience des femmes et une expertise médico-scientifique.

De cette manière, il a tiré parti de la diversité de ses membres pour constituer un mouvement original entièrement tourné vers l’action politique au sens large. Depuis sa création en 2003, il s’est donné comme mission de faire évoluer les attitudes et les pratiques entourant la maternité. Le modèle qu’il défend est centré sur la mère, le bébé et la famille et se préoccupe avant tout de leur bien-être et de la qualité des soins. C’est un acteur particulièrement intéressant, à cheval entre plusieurs espaces – médical et paramédical, institutionnel, associatif, militant...

Recherche et formation : L’action contre les violences obstétricales passe en premier lieu par la sensibilisation des professionnels de santé, au développement et à la diffusion de la recherche sur cette thématique.

Faire respecter le droit des patients au consentement libre et éclairé : Il est nécessaire d'informer les femmes sur leurs droits et cela fait partie des actions prioritaires du CIANE. De leur côté, les professionnels de périnatalité doivent prendre leurs responsabilités : les soignants doivent être formés à l'existence de ces droits et à leur mise en pratique en fonction des besoins des femmes et des couples.

La collaboration et non l’affrontement (gynéco bashing) : Le CIANE souhaite avant tout collaborer afin de faire évoluer les pratiques et cesser les attitudes délétères dont les conséquences peuvent être graves pour les femmes et les couples concernés.

Mélanie Déchalotte :

Journaliste pour France Culture, elle est l’une des premières à avoir aborder la question des violences obstétricales en France. Elle a enquêté sur les médecins et sur les experts lors de l’accouchement. Il a été diffusé en 2015 sur France Culture. Il y a eu énormément de retour de la part des auditrices en ligne.

Ensuite, son enquête sur les maltraitances gynécologiques et obstétricales a été publiée sous forme de livre Le livre noir de la gynécologie en 2017. Enfin, de nouvelles séries documentaires sur la relation soignant-soignés sont sorties en 2017 sur France Culture.

Alba Horvat :

Elève avocate chez KL2M Avocats et juriste bénévole à la Fondation des femmes, elle a travaillé en collaboration avec Tessiah Gadou pour écrire le guide de la naissance respectée. Elle travaille notamment sur les violences obstétricales en général mais également sur d’autres violences.

Concernant l’épisiotomie, Alba Horvat considère que c’est une violence obstétricale et regrette le manque d’actions juridiques historiquement et de jugements. Elle propose de rendre la phase pré-accouchement importante en donnant toutes les informations nécessaires pour consentir librement ou refuser les actes médicaux.

Marie-Hélène Lahaye :

Marie-Hélène Lahaye est une féministe, juriste, blogueuse et lanceuse d'alerte belge. Depuis 2013, elle tient le blog Marie accouche là qui a pour but « l'exploration féministe et politique autour de la naissance ». Elle est l'auteure de l'ouvrage Accouchement : les femmes méritent mieux (éditions Michalon). Elle a contribué à faire émerger en France la question des maltraitances des femmes pendant l'accouchement et le concept de violence obstétricale. Elle considère que l’épisiotomie en fait partie. Elle a été sollicitée et auditionnée par le Haut Conseil à l’égalité entre les Femmes et les Hommes dans le cadre du rapport d’Etat sur les violences obstétricales qui doit être publié avant juin 2018.

Georges Mellier :

Georges Mellier est un gynécologue-obstétricien (en fin de carrière) spécialisé dans la chirurgie de la réparation du périnée. Aujourd’hui, il intervient à Konakri et à Djenna afin de créer un diplôme d’uro-gynécologie et former les soignants autour des délabrements périnéaux. Le docteur Mellier a été responsable d’un service de grossesse pathologique à Lyon. Le docteur estime que l’épisiotomie peut permettre de prévenir des “explosions du périnée” qui peuvent avoir des conséquences catastrophiques pour la femme et qu’un taux trop faible d’épisiotomie ne peut pas permettre de prévenir de telles situations. Il est donc favorable à la libre-appréciation par le praticien des situations où un tel acte chirurgical se montre nécessaire bien qu’il soit contre une systématisation de l’épisiotomie.

Israël Nisand

Gynécologue-obstétricien de profession, il est le chef du département de gynécologie-obstétrique du CHU de Strasbourg depuis 2005. ll est actuellement président du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens de France (CNGOF). Il propose un label en 14 points afin de normaliser les maternités françaises. Très médiatisé, il s’est notamment insurgé contre le discours de Marlène Schiappa au Sénat du 17 juillet 2017, mettant en cause la profession de gynécologue-obstétricien dans les problématiques de violence obstétricale.

Caroline Reiniche

Sage-femme à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard de Paris, elle est membre de l’association Pour une MEUF (Médecine Engagée Unie et Féministe) qui regroupe des soignant.e.s militant contre le sexisme médical et s’engageant pour les femmes, qu’elles soient soignantes ou patientes. Caroline Reiniche se place en faveur de l’écoute des besoins des patientes et du soin personnalisé, et milite pour une meilleure information des femmes ainsi que pour la demande de consentement systématique.

Nour Richard-Guerroudj :

Nour Richard-Guerroudj, sociologue de formation, est une journaliste spécialisée dans le domaine de la santé. Elle est actuellement rédactrice en chef de la revue Profession Sage-Femme depuis juillet 2011.

Son parcours de vie personnelle, son premier accouchement, l’a amenée à s’intéresser à la question des violences obstétricales.

Concernant l’épisiotomie, Nour Richard-Guerroudj considère que c’est une violence obstétricale au vue des recherches scientifiques, et que par conséquent la persistance de sa pratique est à considérer comme une violence. Toutefois, elle propose d’améliorer les suivis de grossesse, et de créer un véritable dialogue entre les médecins et le personnel soignant et les femmes. Il s’agit de rétablir et de recréer un climat de confiance.

Benoit de Sarcus:

Benoit de Sarcus est un gynécologue obstétricien, chef de maternité à Nanterre. Il a pris position pour une réduction drastique de la pratique de l’épisiotomie, et sa maternité affiche un taux autour de 2%. Pour lui, la perpétuation d’un tel acte chirurgical est avant tout déterminé par l’habitude des anciens médecins, qui apprenaient qu’elle servait à prévenir des déchirures, et qui transmettent leur façon de faire aux plus jeunes.

Marlène Schiappa:

Marlène Schiappa est secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les Hommes. Elle est aussi écrivaine et militante féministe et a fondé en 2008 le blog Maman travaille. Elle a commandé un rapport d’Etat au Haut Conseil à l’égalité entre les Femmes et les Hommes sur les violences obstétricales à la suite d’une intervention faite devant le Sénat en juillet 2017. Elle avait alors déclaré “En France, on a un taux d’épisiotomies à 75%, alors que l’OMS préconise d’être autour de 20-25%”, ce qui lui a valu les reproches et accusations du CNGOF. Le rapport n’a pas encore été publié, et aucune information dessus n’a été divulguée.

Barbara Strandman :

Institutrice vivant en Suède depuis 2002, Barbara Strandman est la présidente de l’ AFAR, Alliance Francophone pour l’Accouchement respecté, et la fondatrice du site episio.info. Suite à son expérience personnelle, Barbara Strandman s’est intéressée à la question de l’épisiotomie. Elle a notamment effectué des recherches sur le fonctionnement du système suédois. C’est de cette manière qu’elle est rentrée dans la question des violences obstétricales. Plus généralement, elle travaille sur les questions en lien avec le sexe féminin.

L’AFAR est une association d’usagers de la périnatalité et lutte pour que les personnes aient accès aux informations durant leur accouchement et pour qu’elles puissent effectuer des choix éclairés. De plus, ils luttent pour le droit des usagers au niveau de la justice. En France, l’AFAR est membre du CIANE.

Qui sommes-nous ?

Nous sommes cinq étudiantes au sein du double-cursus Sciences-Sciences Sociales entre Sciences Po Paris et l'Université Pierre et Marie-Curie. Dans le cadre de notre cours intitulé "Etude de controverses" nous nous sommes penchées sur ce sujet très particulier de l'épisiotomie.

Nous avons décidé de travailler sur cette problématique car nous étions toutes sensibles à la fois aux questions relatives à la condition féminine mais aussi au domaine de la santé. En outre, au vu de l’actualité et des enjeux politiques des violences féminines, l’épisiotomie, en tant qu’acte médical couramment pratiqué, nous a semblé être un objet pertinent.

Nous avons trouvé très intéressant de voir ce débat que nous avions d'abord pensé confiné dans le monde médical se révéler une vraie question de politiques publiques puisqu'il implique la gestion du système de santé, des acteurs variés de juristes à ministres.

Si nous avons commencé notre enquête en rencontrant des médecins, nous avons très vite pu voir la diversité des professions impliqués en interrogeant des journalistes, bloggueuses, sages-femmes. Nous avons même eu la chance d'interpeler directement la Secrétaire d'Etat chargé de l'Egalité entre les femmes et les hommes de passage dans notre école.

Enfin, cette question nous a également permis de repenser l'utilisation quotidienne que nous faisons des réseaux sociaux comme moyens de revendications.

Nous espérons avoir pu rassembler dans notre étude plusieurs points de vue sur le sujet qui nous a permis d'appréhender le cadre plus large d'une partie de notre système de santé.

Etude de terrain : nos entretiens

Bibliographie

AUDIBERT Nastassia, Violence obstétricale - émergence d'un problème public en France, Sciences-Po Paris, octobre 2016 (mémoire)

AKRICH Madeleine, Le Ciane, un collectif hybride dans le monde de la périnatalité, Revue de médecine périnatale, Springer Link 2010, pp.197-202.

AKRICH Madeleine, La péridurale, un choix douloureux. Cahier du Genre, L’harmattan, 1999 pp.17-48

BELIZAN J, CARROLI G, Episiotomy for vaginal birth, Cochrane Database Syst Rev, 2000

BLONDEL B, ZEITLIN J, Faut-il craindre les fermetures et fusions de maternités en France ?, Journal de Gynécologie et Biologie de la Reproduction, 2013, vol 42, pp.407-409

BLONDEL B, ZEITLIN J, La santé périnatale en France : une position moyenne en Europe, mais quelques différences préoccupantes, Journal de Gynécologie et Biologie de la Reproduction, 2013, vol 42, pp. 609-612

CABRIERES Agnès, Extraction instrumentale par spatules de Thierry chez la primipare : Impact maternel et néonatal d’une diminution de la pratique de l’épisiotomie, 2015, Faculté de médecine de Toulouse (thèse)

CHEHAB, COURJON (et alii.), Influence d’une forte diminution du recours à l’épisiotomie sur le taux global de périnée intact et peu lésionnel dans une population d’une maternité de niveau III, Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction (2014), vol n°43, pp. 463-469

CIANE, “Etat des lieux et vécu des femmes”, Enquête sur les accouchements, Dossier n°6, Novembre 2013

CNGOF, L’épisiotomie, Recommandations pour la pratique clinique, 2005.

COCHRANE, Techniques de suture continue et discontinue pour la réparation de l’épisiotomie ou des déchirures du second degré | Cochrane. Disponible sur: http://www.cochrane.org/fr/CD000947/techniques-de-suture-continue-et- discontinue-pour-la-reparation-de-lepisiotomie-ou-des-dechirures-du-second- degre

DAVIS-FLOYD, ROBBIE, "The Technological Model of Birth." The Journal of American Folklore, 1987, no. 398

DECHALOTTE Mélanie, Le livre noir de la gynécologie, First, 2017

DELAFOY Elodie, Informations reçues et vécu des femmes : à propos de l’épisiotomie, Gynécologie et obstétrique, 2017 (mémoire)

DEMET (et alii), Continuous versus interrupted episiotomy repair with monofilament or multifilament absorbed suture materials: a randomised controlled trial, Arch Gynecol Obstet, 2011

DOUGLAS G. (et alii), Differences in episiotomy technique between midwives and doctors, BJOG: an International Journal of Obstetrics and Gynaecology, December 2003, Vol. 110, pp. 1041–1044

DULINSKIE M, Les freins au changement de technique de suture « un fil, un noeud » des sages-femmes et des gynécologues obstétriciens du Limousin, Université de Limoges, 2014

EJEGARD H, Sexuality after delivery with episiotomy: a long -term follow-up. Gynecol Obstet Invest. 2008.

FARUEL-FOSSE H (et alii), Peut-on réduire le taux des épisiotomies ?, Gynecol Obstet Biol Reprod, 2006 ; 35

FERRAND Cathérine, Prise en charge de la douleur après épisiotomie : d’une évaluation de pratiques professionnelles et des besoins des patientes à un programme d’amélioration de la qualité des soins, 2004 (mémoire)

FODSTAD, Different episiotomy techniques, postpartum perineal pain, and blood loss: an observational study, Urogynecology Journal, 2013

FRITEL Xavier (Dr), PIGNE Alain (Pr), Contre l’épisiotomie

FRITEL Xavier, Impact des pratiques obstétricales sur l’incontinence urinaire de la femme de l’accouchement à la ménopause, Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2009

GAUBERT Soline, Le vécu de l’épisiotomie, du post-partum immédiat à 6 mois de l’accouchement, Gynécologie et obstétrique, 2015

GINESTE Coline, L’impact du sexisme sur la qualité des soins en gynécologie (mémoire)

GRAHAM Ian, Processes of change in obstetrics: a cross-national case-study of episiotomy, 1998, SAGE Publications, 31p.

GUILLEMELLE Laura, Evaluation de la pratique de l’épisiotomie lors des accouchements voie basse par extraction instrumentale au CHU de Grenoble, Gynécologie et obstétrique, 2012

HARRISON (et alii), Is routine episiotomy necessary ?, British Medical Journal, vol n°288, 1984, 5p.

HERVE C, VILLE Y, Lettre ouverte: “Quelle leçon tirer de la récente controverse française sur l’épisiotomie ?” ou la généralisation d’une véritable éthique des pratiques en clinique humaine, Ethics, Medicine and Public Health, 2017, n°3, pp. 397-400

JEANTET Diane, Derrière le « point du mari », le traumatisme de l'épisiotomie, Le Monde http://www.lemonde.fr/sante/article/2014/04/18/derriere-le-point-du-mari-le-traumatisme-de-l-episiotomie_4403470_1651302.html#SBfj8epoC23TP7Fu.99

LACAILLE Garance, L’épisiotomie : un mois plus tard, Etude prospective, descriptive et unicentrique réalisée auprès de 30 patientes. Gynécologie et obstétrique, 2016 (mémoire)

LAHAYE Marie-Hélène, Accouchement : les femmes méritent mieux, Michalon

LANGER et MINETTI, Complications immédiates et à long terme de l’épisiotomie, Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, 2006, vol n°35, pp. 59-67

MAILLET R. A propos des recommandations sur l’épisiotomie émises par le CNGOF en décembre, , 2005, vol n°34 (2006) 274p.

OUDDASSER Khadija, Evaluation de la prise en charge de la douleur de l’épisiotomie dans les suites de couches, 2010, (mémoire)

OULD Sir Fielding, A Treatise of Midwifery, Dublin, Nelson and Connor, 1742.

PHAN E, Violences obstétricales. Point de vue des usagers, Article et intervention Ciane aux Entretiens de Bichat - Les entretiens sages-femmes, Paris, 5 octobre 2017

PIQUET Caroline et THIBERT Cécile,“Quand l’accouchement se vit dans la violence” Enquête et témoignages, Le Figaro,

http://grand-angle.lefigaro.fr/quand-laccouchement-se-vit-dans-la-violence

PIERRE Anaïs, L’épisiotomie : études de l’impact des recommandations de 2005 sur la formation des étudiants sage-femmes en France, 2011 (mémoire)

REINBOLD (dir.), De l’impact des RPC pour réduire le taux d’épisiotomie, Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, 2012, vol n° 41, pp. 62-68

RIETHMULLER D (et alii), Pratique libérale versus restrictive de l’épisiotomie : existe-t-il des indications obstétricales spécifiques de l’épisiotomie ?, Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, 2006, n°35

ROMAN Diane, Les violences obstétricales, une question politique aux enjeux juridiques, Revue de droit sanitaire et social, no 05, octobre 2017

RUTSCHMANN I, L’épisiotomie de routine est-elle justifiée ? Profession sage-femme, 1998, 43p : 29-33

VILLET R, Débat : Pour ou contre l’épisiotomie ? avec Georges Mellier et Xavier Fritel, Gynécol Obstés Fertil, 2001, 4p.

Documents juridiques :

  • Code Civil, Dalloz, DL 2016, cop. 2016
  • Code de déontologie : édition 2018, Dalloz, 2017
  • CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, N° 10563, Audience du 24 juin 2010, décision rendue publique par affichage le 16 septembre 2010
  • Décision de l’ordre des sages-femmes, chambre disciplinaire de 1ère instance, secteur V, Rhône-Alpes-Provence- Côte d’Azur- Corse- Franche-Comté, instance n°2017-02

Vidéo :

Conférence du mardi 13 février 2018 au centre Hubertine Auclert

https://www.facebook.com/mariehelene.lahaye/videos/10212318384455356/

Europe 1 : Bonjour la France - Invité : Bertrand Périer - 20/02/18

Sites internet :

https://ciane.net

http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/author/marieaccouchela/

http://www.isabelle-alonso.com/le-point-du-mari/

https://www.legifrance.gouv.fr

Assurance Maladie. Votre suivi médical après l’accouchement [Internet], 2016, Disponible sur :

http://www.ameli.fr/assures/droits-et-demarches/par-situationU-personnelle/vousU_llez-avoir-un-enfant/votre-bebe-est-ne-prenez-soin-de-lui-et-de-vous/votre-suivi-medical-apres-l-accouchement.php

Série d’articles du Monde par les Décodeurs : Laura Motet et Anne-Aël Durand, Le Monde, 31/01/2018, “Episiotomie : pourquoi de tels écarts entre les maternités ?”

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/01/31/episiotomie-pourquoi-de-tels-ecarts-entre-les-maternites_5249544_4355770.html#TleCWgv3HoieD5zI.99

Le consentement, point aveugle de la formation des médecins, par les invités de Mediapart,

https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/060215/le-consentement-point-aveugle-de-la-formation-des-medecins

Autres documents :

Communiqué de presse du CIANE, Episiotomie: taux en baisse, mais tout reste à faire en matière de consentement et de transparence des établissements, 11 novembre 2013

Compte-rendu, Table ronde organisée par le CALM-Association pour la maison de naissance des Bluets le 21 mai 2014

Enquête nationale périnatale, Rapport 2016 : Les naissances et les établissements, Situation et évolution depuis 2010, rédigé par l’INSERM et la DREES, 317p.

Audition de Marlène Schiappa devant la délégation des femmes au Sénat le 17 juillet 2017

http://www.senat.fr/basile/visio.do?id=c/compte-rendu-commissions/20170717/femmes.html&idtable=c/compte-rendu-commissions/20180212/ddf.html|c/compte-rendu-commissions/20170717/femmes.html&_c=%C9PISIOTOMIE&rch=gs&de=20170218&au=20180218&dp=1+an&radio=dp&aff=sep&tri=p&off=0&afd=ppr&afd=ppl&afd=pjl&afd=cvn

Communiqué de presse du Secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, Demande de rapport au HCE sur les violences obstétricales, Paris, le 24 juillet 2017

WHO (OMS) recommendations : Intrapartum care for a positive childbirth experience, février 2018

  1. 1

    Gynécologue-obstétricien de profession, il est le chef du département de gynécologie-obstétrique du CHU de Strasbourg depuis 2005. ll est actuellement président du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens de France (CNGOF). Il propose un label en 14 points afin de normaliser les maternités françaises. Très médiatisé, il s’est notamment insurgé contre le discours de Marlène Schiappa au Sénat du 17 juillet 2017, mettant en cause la profession de gynécologue-obstétricien dans les problématiques de violence obstétricale.

  2. 2

    Benoît de Sarcus est un gynécologue obstétricien, chef de maternité à Nanterre. Il a pris position pour une réduction drastique de la pratique de l’épisiotomie, et sa maternité affiche un taux autour de 2%. Pour lui, la perpétuation d’un tel acte chirurgical est avant tout déterminé par l’habitude des anciens médecins, qui apprenaient qu’elle servait à prévenir des déchirures, et qui transmettent leur façon de faire aux plus jeunes.

  3. 3

    Georges Mellier est un gynécologue-obstétricien (en fin de carrière) spécialisé dans la chirurgie de la réparation du périnée. Aujourd’hui, il intervient à Konakri et à Djenna afin de créer un diplôme d’uro-gynécologie et former les soignants autour des délabrements périnéaux. Le docteur Mellier a été responsable d’un service de grossesse pathologique à Lyon. Le docteur estime que l’épisiotomie peut permettre de prévenir des “explosions du périnée” qui peuvent avoir des conséquences catastrophiques pour la femme et qu’un taux trop faible d’épisiotomie ne peut pas permettre de prévenir de telles situations. Il est donc favorable à la libre-appréciation par le praticien des situations où un tel acte chirurgical se montre nécessaire bien qu’il soit contre une systématisation de l’épisiotomie.

  4. 4

    Collectif InterAssociatif autour de la NaissancE, regroupant des associations dont les ressources et les compétences sont variées. Grâce aux outils de coordination fournis par Internet, le CIANE a pu construire une articulation entre une expertise tirée de l’expérience des femmes et une expertise médico-scientifique.

    De cette manière, il a tiré parti de la diversité de ses membres pour constituer un mouvement original entièrement tourné vers l’action politique au sens large. Depuis sa création en 2003, il s’est donné comme mission de faire évoluer les attitudes et les pratiques entourant la maternité. Le modèle qu’il défend est centré sur la mère, le bébé et la famille et se préoccupe avant tout de leur bien-être et de la qualité des soins. C’est un acteur particulièrement intéressant, à cheval entre plusieurs espaces – médical et paramédical, institutionnel, associatif, militant...

    Recherche et formation : L’action contre les violences obstétricales passe en premier lieu par la sensibilisation des professionnels de santé, au développement et à la diffusion de la recherche sur cette thématique.

    Faire respecter le droit des patients au consentement libre et éclairé : Il est nécessaire d'informer les femmes sur leurs droits et cela fait partie des actions prioritaires du CIANE. De leur côté, les professionnels de périnatalité doivent prendre leurs responsabilités : les soignants doivent être formés à l'existence de ces droits et à leur mise en pratique en fonction des besoins des femmes et des couples.

    La collaboration et non l’affrontement (gynéco bashing) : Le CIANE souhaite avant tout collaborer afin de faire évoluer les pratiques et cesser les attitudes délétères dont les conséquences peuvent être graves pour les femmes et les couples concernés.

  5. 5

    Dyspareunies : Douleurs chroniques de nature et d'intensité variables, ressenties pendant les rapports sexuels.

  6. 6

    Institutrice vivant en Suède depuis 2002, Barbara Strandman est la présidente de l’ AFAR, Alliance Francophone pour l’Accouchement respecté. Suite à son expérience personnelle, Barbara Strandman s’est intéressée à la question de l’épisiotomie. Elle a notamment effectué des recherches sur le fonctionnement du système suédois. C’est de cette manière qu’elle est rentrée dans la question des violences obstétricales. Plus généralement, elle travaille sur les questions en lien avec le sexe féminin.

  7. 7

    AFAR : Alliance Francophone pour l'Accouchement Respecté. Association d’usagers de la périnatalité et lutte pour que les personnes aient accès aux informations durant leur accouchement et pour qu’elles puissent effectuer des choix éclairés. De plus, ils luttent pour le droit des usagers au niveau de la justice. En France, l’AFAR est membre du CIANE.

  8. 8

    Journaliste pour France Culture, elle est l’une des premières à avoir aborder la question des violences obstétricales en France. Elle a enquêté sur les médecins et sur les experts lors de l’accouchement. Il a été diffusé en 2015 sur France Culture. Il y a eu énormément de retour de la part des auditrices en ligne. Ensuite, son enquête sur les maltraitances gynécologiques et obstétricales a été publiée sous forme d'ouvrage intitulé Le livre noir de la gynécologie(Déchalotte, 2017) en 2017. Enfin, de nouvelles séries documentaires sur la relation soignant-soignés sont sorties en 2017 sur France Culture.

  9. 9

    Sage-femme à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard de Paris, Caroline Reiniche est membre de l’association Pour une MEUF (Médecine Engagée Unie et Féministe) qui regroupe des soignant.e.s militant contre le sexisme médical et s’engageant pour les femmes, qu’elles soient soignantes ou patientes. Caroline Reiniche se place en faveur de l’écoute des besoins des patientes et du soin personnalisé, et milite pour une meilleure information des femmes ainsi que pour la demande de consentement systématique.

  10. 10

    Elève avocate chez KL2M Avocats et juriste bénévole à la Fondation des femmes, elle a travaillé en collaboration avec Tessiah Gadou pour écrire le guide de la naissance respectée. Elle travaille notamment sur les violences obstétricales en général mais également sur d’autres violences.

    Concernant l’épisiotomie, Alba Horvat considère que c’est une violence obstétricale et regrette le manque d’actions juridiques historiquement et de jugements. Elle propose de rendre la phase pré-accouchement importante en donnant toutes les informations nécessaires pour consentir librement ou refuser les actes médicaux.

  11. 11

    Nour Richard-Guerroudj, sociologue de formation, est une journaliste spécialisée dans le domaine de la santé. Elle est actuellement rédactrice en chef de la revue Profession Sage-Femme depuis juillet 2011. Son parcours de vie personnelle, son premier accouchement, l’ont amenée à s’intéresser à la question des violences obstétricales. Concernant l’épisiotomie, Nour Richard-Guerroudj considère que c’est une violence obstétricale au vue des recherches scientifiques, et que par conséquent la persistance de sa pratique est à considérer comme une violence. Toutefois, elle propose d’améliorer les suivis de grossesse, et de créer un véritable dialogue entre les médecins et le personnel soignant et les femmes. Il s’agit de rétablir et de recréer un climat de confiance.

  12. 12

    Glandes sécrétant la cyprine et participant à la lubrification du vagin

References

Akrich, M. (2010). Le Ciane, un collectif hybride dans le monde de la périnatalité. Revue de médecine périnatale, Springer Link, 197‑202.
Audibert. (2016). Violence obstétricale - émergence d’un problème public en France.
Conférence Le corps des femmes organisée par le CERVYX, dont une table ronde animée par Lauren Bastide : « Maltraitances gynécologiques et obstétricales ». (2018). .
Déchalotte, M. (2017). Le livre noir de la gynécologie. First.
Delafoy, E. (s. d.). Informations reçues et vécu des femmes : à propos de l’épisiotomie. 2017.
EJEGARD, H. (2008). Sexuality after delivery with episiotomy: a long -term follow-up. Gynecol Obstet Invest.
Ferrand, C. (2004). Prise en charge de la douleur après épisiotomie : d’une évaluation de pratiques professionnelles et des besoins des patientes à un programme d’amélioration de la qualité des soins.
GADOU, T., & HORVAT, A. (s. d.). Accouchement : mes droits, mes choix. Fondation des Femmes.
GAUBERT, S. (2015). Le vécu de l’épisiotomie, du post-partum immédiat à 6 mois de l’accouchement.
GINESTE, C. (2017). L’impact du sexisme sur la qualité des soins en gynécologie.
Graham, I. (s. d.). Processes of change in obstetrics: a cross-national case-study of episiotomy (SAGE Publications.).
LACAILLE, G. (2016). L’épisiotomie : un mois plus tard, Etude prospective, descriptive et unicentrique réalisée auprès de 30 patientes.
Lahaye, M.-H. (2017). Non, un accouchement n’est pas en soi violent. Marie accouche là. Consulté à l’adresse http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/2017/10/12/non-un-accouchement-nest-pas-en-soi-violent/
Motet, L., & DURAND, A.-A. (2018). “Episiotomie : pourquoi de tels écarts entre les maternités ?” Le Monde.
OUDDASSER, K. (2010). Evaluation de la prise en charge de la douleur de l’épisiotomie dans les suites de couches.
OULD, F. Sir . (1742). A Treatise of Midwifery (Nelson and Connor.). Dublin.
PIQUET, C., & THIBERT, C. (s. d.). Quand l’accouchement se vit dans la violence” Enquête et témoignages. Le Figaro. Consulté à l’adresse http://grand-angle.lefigaro.fr/quand-laccouchement-se-vit-dans-la-violence
Recommendations : Intrapartum care for a positive childbirth experience. (2018). .
RICHARD-GUERROUDJ, N. (2018). Première sanction ordinale pour défaut d’information. Profession sage-femme, (243), 4‑6.