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#Biographie de Laura Leprince
Laura Leprince est une femme née homme qui a effectué sa transition médicale et juridique. Elle est également engagée dans plusieurs associations notamment Homosexualité et socialisme, et membre de la commission nationale consultative des droits de l’homme en tant que représentante de l’Inter-LGBT.
#Retranscription de l'entretien
##Quand et comment avez-vous effectué votre transition ?
Mon parcours n’est pas représentatif. Les gens aimeraient bien qu’il y ait un parcours représentatif, mais en réalité ça diffère selon les genre Mtf/FtM (en fonction de la vision de la société), selon la famille (ça s’est très bien passé avec ma famille donc je ne suis pas un exemple de parcours problématique), la société alentours (l’école quand on est jeune, l’employeur dans mon cas : le parcours peut changer selon l’environnement).
J’ai su très jeune que j’étais transidentitaire, vers 11-12 ans, quand la puberté a commencé. Pour beaucoup c’est plus tôt, quand ils sont encore très petits, vers 4 ans. J’étais dans une génération où il n’y avait aucune référence, je ne savais même pas que ça existait, on en parlait pas à la télé dans les années 70’. J’ai commencé à en entendre parler à mon arrivée à Paris avec les transgenres du bois de Boulogne. J’ai commencé une vie hétéro classique en essayant de trouver une satisfaction classique en ayant des enfants. J’ai divorcé à 36 ans, j’ai maturé la question pendant 4 ans. Je m’interrogeais beaucoup sur l’impact que ça allait avoir sur mes enfants.
En France, il faut l’accord parental avant 18 ans. On est encore très en retard par rapport à ça.
Internet a beaucoup facilité les choses, ça a permis de faire des groupes, des forums, il y a notamment des forums britanniques très ouverts là-dessus. L’hormonothérapie a duré 2 ans. J’ai fait des implants, puis l’opération. J’ai eu mes papiers juste après, c’était facile d’avoir les papiers car j’avais fait l’opération complète, j’étais donc stérile.
On peut le faire très jeune comme on peut le faire à 55 ans en attendant que les enfants soient grands, mais avec beaucoup de souffrance parce qu’on se préoccupe beaucoup de la réaction des autres.
Comme je voulais aller vite, je n’ai pas été remboursée. Je suis allée en Thaïlande, j’ai tout payé : 12 000 euros.
##Comment ça s’est passé dans le cadre de votre travail ? Quelle a été la réaction de vos collègues ? De vos proches ?
Mon patron était gay, ma patronne était lesbienne donc ils étaient très ouverts. Ils ont soutenu mon initiative en modulant mon travail, en me donnant un congé pour la transition. Mais en dehors de mon cas, c’est souvent très compliqué dans le monde du travail. Des lois ont même été votées en 2012 pour reconnaitre les discriminations de genre dans le cadre du harcèlement sexuel.
Dans ma famille, mon oncle a demandé que mes parents fassent tout pour éviter ça. Sinon il y a eu acceptation progressivement. Du côté des parents, il y a eu beaucoup de discussions, de pleurs. Ils avaient la peur d’avoir un enfant qui soit mal vu, discriminé. Le seul référent que ma mère avait des transsexuels c’était les prostituées du bois de Boulogne.
##Avez-vous eu un suivi psychologique ? Avez-vous subi un test de vie ? Que pensez-vous de cette étape ? Comment l’avez-vous vécue ?
J’ai fait 3 mois de test de vie. Maintenant ça ne se fait plus, les associations ont gagné là-dessus. Le test de vie était une aberration, c’est une assurance du monde médical d’avoir un interlocuteur humain.
On avait peur qu’on nous oblige à un parcours fléché, dans le cadre officiel. On s’est beaucoup rapproché des gays parce que c’était semblable au parcours auquel ils ont dû faire face avec le sida (avant il y avait un déni de la maladie, une bataille vis-à-vis du monde de la médecine), on voulait pas non plus être considérés comme des malades.
##Comment s’est passé le remboursement de votre transition médicale ?
Mon psy n’était pas associé avec un hôpital donc je ne pouvais pas aller dans le cadre d’un protocole.
En plus, il n’y avait pas de bons chirurgiens en France. Je ne voulais pas perdre de temps donc j’ai payé 12 000 euros pour changer mon sexe (en Thaïlande).
J’ai eu en 4 mois le papier pour avoir l’hormonothérapie, ce qui est assez rapide. J’ai eu mes papiers à l’été 2008 (car j’étais stérilisée).
##Voyez-vous la loi de modernisation de la justice au XXIe siècle comme un progrès pour les transsexuels ? Etes-vous favorable à la possibilité de changer d’identité devant un officier d’état civil et non plus au tribunal ?
Chez les verts, les gens sont beaucoup plus jusqu’au-boutiste, pour une loi Argentine (libre et totalement gratuit). J’étais plutôt pour une loi qui allait passer, plus pragmatique, qui satisfait le fondamental à savoir la non obligation de stérilisation.
Cependant, je regrette qu’en droit français, le code civil soit brandit par les juristes comme une bible, car considéré comme un texte parfait et intouchable. En plus, la loi est un peu bringuebalante, elle peut aider des gens mais elle ne corrige pas les inégalités territoriales (les gens vivant en ville étant toujours avantagés).
##Avez-vous été en contact avec des associations ? Si oui, quel est votre rapport à ces associations ?
J’ai commencé en 2007 dans l’HES (seul endroit dans un parti politique où on parlait de cela et je voulais de l’efficacité), dans le bureau jusqu’en 2014.
Je représentais aussi l’Inter-LGBT pendant le Mariage pour Tous auprès de Mme Taubira. Je suis par ailleurs membre de la commission nationale consultative des droits de l’homme en représentant de l’Inter-LGBT (sous les ordres du Premier Ministre).
##Qu'en est-il de la médiatisation de la question transsexuelle ?
J’ai refusé d’être interviewée dans des reportages pour protéger mes enfants. Ce qui m’importe c’est que les transgenres soient visibles dans la société, même si c’est dans les films ou dans Secret Story.