Problématisation
Transidentité. Transsexualisme. Transgenre. Trois termes, utilisés différemment selon les milieux pour désigner une situation particulière : le sentiment d’appartenance à un genre qui ne correspond pas au genre assigné au vu du sexe biologique, tel qu’il est défini par la médecine. Nous avons décidé de nous intéresser à la transidentité et aux controverses juridiques, scientifiques et sociales liées à ce sujet. La transidentité, c’est le fait pour un individu de ne pas être en accord avec le genre assigné à la naissance et de ressentir la nécessité d’adopter, ponctuellement ou définitivement, les comportements et attributs sociaux du genre autre que celui assigné et auquel la personne s’identifie, peu importe son sexe. C’est le décalage entre l’identité de genre, c’est-à-dire le genre ressenti, et le sexe d’un individu. On parle plus communément de transgenre pour désigner une personne transidentitaire. Notre démarche consiste, en analysant le parcours d’un individu voulant changer de sexe, à soulever les controverses suscitées à ses différentes étapes, que ce soit d’un point de vue psychologique, médical ou légal. Pour ce, il convient tout d’abord de s’attacher aux controverses sur la définition même de la transidentité : on verra par la suite qu’elles sont à la base des critiques les plus virulentes sur la législation actuelle. Il nous faut également étudier les conditions nécessaires au changement de sexe, telles qu’elles sont définies par la législation et la justice française. Finalement, cela implique d’étudier l’appréciation de l’évolution de la législation, ses limites et ses critiques, en rencontrant les acteurs directement touchés.
Notre étude s’axe donc autour de deux interrogations majeures : qu’est-ce que changer de sexe ? Qu’est-ce que changer d’identité ?
Petite histoire de la terminologie : du transsexualisme à la transidentité
La définition même de transgenre est déjà un sujet controversé : si elle a pu évoluer depuis le XXème siècle, elle reste intrinsèquement liée à un aspect chirurgical et psychologique.
Jusqu’au XIXème siècle, c’est l’idée d’une dichotomie stricte et irréversible entre le sexe masculin et le sexe féminin qui s’impose. En 1838, Jean Esquirol va classifier ce qu’il appelle transsexualisme dans les monomanies, une des formes de maladies psychiatriques. La médicalisation de la transidentité continue au XXème siècle. Harry Benjamin, endocrinologue et sexologue américain poursuit les travaux de Magnus Hirschfeld, fondateur de l’institut des sciences sexuelles et définit le transsexualisme comme le sentiment d’appartenir au sexe opposé et le désir d’une transformation corporelle.
Un nouveau terme va naître dans les années 2000 : la dysphorie de genre. C’est le fait de remplir les critères de définition de la dysphorie de genre qui va permettre à un individu de pouvoir entamer une procédure de changement de sexe. Parmi ces critères, on retrouve notamment :
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Un désir fort de se débarrasser des caractéristiques sexuelles d’un des deux sexes, du fait d’une non concordance marquée entre l’expérience de genre vécue et le genre assigné
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Un désir fort d’appartenir à l’autre sexe ou à tout autre genre alternatif différent du genre assigné
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Une volonté forte d’être reconnu comme appartenant à l’autre sexe ou à tout autre genre alternatif différent du genre assigné
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La conviction d’avoir des réactions et des sentiments appartenant à l’autre genre ou à tout autre genre alternatif différent du genre assigné.
Enfin, ces critères sont limités par une condition : « une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ».
C’est seulement en 2010 que Roselyne Bachelot a décrété que «la transsexualité ne sera plus considérée comme une affection psychiatrique en France».