2017
Interview avec Geneviève Desportes, Secrétaire Générale de NAMMCO
Geneviève Desportes s’est rendue aux îles Féroés pour travailler sur la conservation des mammifères marins, elle a en particulier fait son doctorat grâce à des échantillons des globicéphales. Son stage post doctoral traitait quant à lui des effets de la pêche internationale sur les populations de globicéphales. Elle a d’abord été employée au MNH des îles Féroés, avant de devenir une des déléguées dans le comité scientifique de NAMMCO. Geneviève Desportes s’est engagée au NAMMCO afin de pouvoir agir sur le terrain pour préserver les mammifères marins. Pour elle, travailler au NAMMCO signifie travailler sur le terrain là où sont les véritables enjeux. Le NAMMCO est effectivement un programme de conservation des mammifères marins qui travaille en partenariat avec les population ou les pays chasseurs. Il s’agit de mettre en place une chasse soutenable. Pendant longtemps le NAMMCO s’est focalisé sur les effets de la chasse mais maintenant il est également nécessaire de travailler sur les dangers de la pollution et du réchauffement climatique. Il faut inclure la pollution dans les projections, comme l’un des effets majeurs sur les population. Par exemple sous l’effet des PCB certaines populations de baleines ne se reproduisent plus.
Le NAMMCO s’est constitué car les pays baleiniers n’était pas satisfait par le moratoire prolongé de la CBI. La Commission était en effet devenue un organisme de conservation, et non plus de management de stocks de baleines. En outre, la Commission ne possède aucune compétence pour les phoques et les petits cétacés (dauphins...) Le NAMMCO s’est donc construit en opposition à la CBI. Il s’agit de pallier à un vide rien pour gérer les populations de cétacés de manière durable et responsable. Le NAMMCO met ainsi en oeuvre une gestion régionale afin de travailler directement avec les pays et les populations concernés par la chasse. Il ne possède pas de mandats pour punir et veille simplement à ce que les méthodes de chasse soient bonnes pour les chasseurs et les animaux.
La CBI et le NAMMCO coopère notamment sur les questions scientifiques. Ils ont des groupes de travail commun afin de gérer au mieux afin de se renseigner au mieux sur les populations de baleines. Il possède par exemple un groupe de travail commun sur le grand Rorqual. La NAMMCO a néanmoins un périmètre d’action plus large car il regarde quel progrès il faut faire au niveau de la chasse. Il existe ainsi une opposition sur les objectifs. Alors que la CBI est conservatrice, le NAMMCO souhaite utiliser les stocks de baleines durablement, tout en conservant un certain principe de précautions (il n’autorise pas la chasse s’il ne dispose pas de suffisamment de données scientifiques).
Le NAMMCO soutient que les pays ont le droit d’utiliser les ressources naturelles, à partir du moment que cette utilisation est soutenable et que la mise à mort des baleines est responsable.
Que répondre au grand public ? Dans les îles Féroés, la chasse à la baleine est une activité du quotidien, une réalité de vie qui correspond à une utilisation des ressources naturelles complètement différente. Il faut souligner que le point de vue occidental n’est pas universel, et qu’il est nécessaire de prendre en compte les réalités différentes. Il est ainsi impossible de faire pousser du blé au Groenland. Il faut répondre au grand public qui s’indigne de la chasse j’aime les baleines. Que si les baleines sont des animaux fantastiques, il ne faut pas uniquement se focaliser sur la préservation des animaux charismatiques. Se focaliser sur des espèces emblématiques apparaît ainsi comme illogique car la préservation de tous les animaux est très importante. Elle apprécie la la démarche du WWF Canada, l’un des financements de NAMMCO. L’ONG participe ainsi à la mise en place d’une chasse au phoques durable. Il ne critique pas ces initiatives tant qu’elles sont soutenables.
Le NAMMCO possède son propre comité scientifique sur le méthodes de chasse. Il leur permet d’apporter une expertise indépendante afin d’évaluer les quotas sur les baleines chassées. Il est nécessaire qu’il dispose de leur propre organisme afin de gérer la chasse, vu que la CBI se rapproche aujourd’hui plus d’une organisation environnementale. Le NAMMCO soutient que contrairement à la CBI il ne faut pas faire la différence entre la chasse indigène et les autres types de chasse.
Il faut que les animaux soient tués instantanément et qu’aucun animal ne soit blessé ou perdus. Il faut limiter au maximum le gâchis. On évite par exemple de pratiquer la chasse au filet qui étouffe les animaux et les tue lentement. En 1982, il y avait 10% rorquals tué instantanément, alors qu’aujourd’hui 92% rorquals sont tués instantanéments. L’important est que l’animal ne sente pas la douleur, les nouvelles méthodes de chasse permettent ainsi de le plonger directement dans l’inconscience.
Il faut bien rappeler que les méthodes ne sont jamais complètement satisfaisantes. L’objectif est d'atteindre les 100% de baleines tuées immédiatement sans douleurs. Les grenades-harpons sont certes beaucoup plus efficaces que les autres méthodes, mais les recherches continuent.
La mission du NAMMCO perdurera tant que des pays continueront de chasser. L’objectif est ainsi de mettre en place des quotas durables, ainsi que d’atteindre 100% de morts instantanées. Il s’agit de gérer la chasse, en arbitrant par exemple les conflits entre grande compagnie et population locale. Il faut néanmoins rappeler que le danger pour les baleines aujourd’hui n’est plus la chasse. Il réside essentiellement dans les pêches accidentels et le changement climatique. Nous sommes donc entré dans ce que l’on pourrait appeler un ère post-whaling.
Propos obtenu par l’équipe le 02/04/2017 via visioconférence.