“Perturbateurs endocriniens : des connaissances scientifiques à l’action publique”

Journée d’étude – Programme Propublics – 21 avril 2017 https://ritme.hypotheses.org/588

1.) Les PE et les médias : un rendez vous manqué ? / Stephane Foucart (Le Monde) Stéphane Foucart est un journaliste du Monde sur les sciences de l’environnement. Aujourd’hui, la question des PerturbE relèvent principalement des thèmes de la toxicologie et des sciences réglementaires (qui sont en hiatus avec la science académique). Selon lui, il est difficile d’aborder ce sujet dans les médias car il est est assez insaisissable. En effet, il n’y a pas de catégorie intelligible pour le commun des mortels (pour les personnes autres que des scientifiques). La première question que se pose un lecteur, et donc le journaliste, c’est “où est ce que c’est ?”, mais il y en a partout. Le journaliste se retrouve en désarroi pour catégoriser ces substances. Il a fait une comparaison entre la quantité d’articles de recherche sur scopus et la quantité d’articles publiés dans le Monde et le New York Times sur le sujet en fonction du temps. On s’aperçoit qu’il y a une “béance” de plus d’une décennie entre le moment où la communauté scientifique travaille dessus et produit des connaissances et le moment où les journalistes commencent à parler de ce sujet Il indique par ailleurs qu’il n’y a pas de dichotomie politique de journaux qui parlent sur le sujet, contrairement à beaucoup d’autres sujets. Par exemple, ce ne sont pas plus les journaux de gauche qui en parlent. Toutefois, il souligne la présence d’un biais énorme : le tiers de la totalité des articles publiés dans le NY Times sur le sujet des PE est le fait d’un seul journaliste, qui en plus est chroniqueur. C’est inquiétant que, dans un grand journal, le tiers de la couverture de cette question importante repose sur un seul journaliste. En effet, si on enlève de la rédaction les personnes qui s’intéressent à ça, le sujet disparaît. La majorité des articles sur les Perturbateurs Endocriniens interviennent dans la foulée d’une régulation, qui marque le début d’un intérêt de ce terme dans la production journalistique. L’intuition de base serait que les médias mettent le sujet sur l’agenda des politiques, mais c’est au contraire les politiques qui font que le sujet est abordé dans les médias. Ex : les perturbateurs endocriniens dans les canapés. Tout le monde est au courant mais comme il n’y a pas de réglementation, les journaux n’en parlent pas. Autres problèmes : Absence d’incarnation (à l’inverse des OGM ou des vaccins), difficulté d’attribution. Pas de catégorisation intelligible, ni des causes, ni des effets. Défaut de formation des cliniciens et des personnels soignants, plus enclins à rassurer qu’à alerter. Les journalistes Santé n’ont donc pas matière à écrire sur la question. Ce sont plutôt les journalistes Science qui s’intéressent à cette question des Perturbateurs Endocriniens. Pas de perception d’un consensus (cf changement climatique), même au sein de la communauté « compétente » (régulateurs et scientifiques). Les lobbys s’appuient sur des experts d’agences. Les procédures au sein de l’EFSA sont très peu transparentes, ce qui conduit à un affaiblissement de la couverture médiatique. Le coût pour la société est estimé à 340 milliards de dollars aux US et 160 milliards en Europe. Pour la communauté médicale, il est beaucoup plus intéressant plus intéressant de parler des problèmes liés à la cigarette, plutôt que la perturbation endocrinienne (risques modérés par rapport aux risques qui sont librement consentis comme fumer). Les éléments de consensus vont dynamiser la couverture médiatique. Mais, parfois, les tentatives de cristalliser le consensus sont désastreuses. C’est ce qu’a voulu faire the Institute of Pharmacology and Structural Biology (IPBS) mais elle a confié cette tâche à une seule toxicologue, salariée de Syngenta. Cela peut donc être extrêmement périlleux de chercher le consensus. De plus, l’expertise est très fragmentée. Certains experts s’occupent juste de la chaîne alimentaire par exemple. Alors que les perturbateurs endocriniens sont partout. Face à ce dissensus, selon lui, le hiatus est condamné à s’accroître car il y a toujours plus de substances sur le marché et toujours plus d’intérêts économiques. Le problème avec la médiatisation des perturbateurs endocriniens est que, hormis pour le dystilbène, il n’y a pas de victime à proprement parler. On ne peut faire jouer l’émotion dans les articles. De plus, les journalistes ne lisent pas les papiers de recherche, en partie à cause des contraintes de production. Cela peut les amener à écrire des articles qui contredisent le résultat d’une recherche scientifique. Il est très compliqué de faire passer ces sujets là dans les journaux. Personne ne sait ce que sont les substances dont on parle. Les journalistes doivent faire très attention quand ils s’associent avec des associations pour parler de ces sujets. Les associations “tirent la couverture trop d’un côté”. Par conséquent, les industries peuvent facilement critiquer le travail du journaliste, en le qualifiant de “non objectif”. 2.) Vaincre à tout prix : le lobbying industriel contre les tentatives européennes de réglementation des perturbateurs endocriniens / Martin Pigeon (Corporate Europe Observatory) Le Corporate Europe Observatory (CEO) est une association de recherche et de plaidoyer menant des enquêtes sur le lobbying : il cherche notamment à induire une amélioration des réglementations encadrant cette pratique. Il s’est associé avec Stéphane Horel à l’occasion de l’écriture du rapport “A toxic affair”, qui a été très critiqué. Martin Pigeon surnomme Bruxelles la “capitale des lobbies” et présente une cartographie des lobbies : il existe entre 20 et 30000 lobbyistes professionnels permanents. Secteur économique pesant plus d’un milliards d’euros, 70% représenterait des intérêts commerciaux, 20% intérêts public, 10% sociétés civiles organisées. Selon lui, une pratique très répandue est le « revolving door », qui consiste en l’engagement par des groupes industriels d’anciens du système (hommes politiques, fonctionnaires, assistants parlementaires…). Leur expérience passée doit en effet leur permettre de prendre des rendez vous avec leurs anciens collègues, ou de renseigner l’entreprise sur les ressorts du fonctionnement de la Commission. Or, ce que déplore Martin Pigeon, c’est l’absence de transparence réelle sur la réalité de l’activité. Administration européenne : moyens dérisoires mais prérogatives importantes. Monopole de l’initiative législative. En personnel, cela représente 2/3 de la mairie de paris. “Bureaucratie auxiliaire”. Ex : Veolia : lobbys spécialisés, think tanks → chacun a un employé de veolia dans son administration. Lobbying : construction de crédibilité : mensonge par omission, demi vérité, même message par des sources en apparente différentes. Faire le travail de la cible à sa place. Tous les lobbys ont été créés par la commission européenne. Source d’informations pour les eurodéputés. Imposer sa vision du problème dès le début du processus législatif. Sylvain Laurens, Les courtiers du capitalisme → document sur le lobby à Bruxelles. Document de panique à la perspective (13 février 2017) que Juncker réforme la comitologie. Ex : autorisation de mise sur le marché. Comités d’appels : 2 % des décisions à transparence des votes. Les décisions basés sur la science ne doivent pas être incorporés de démocratie. Reach, regulating chemicals in Europe : toxicité éventuelle des produits mise sur le marché. Règlement pesticide de 2009 : critère guillotine sur les PE. 3.3.9. Approche par le danger. Pas d’exposition minimale admissible. 4 associations qui ont travaillé sur le sujet : Heal, Pesticide Action Network, Client Earth, Chem Trust. Contre : industries chimiques européennes et américaines. 2009 : DG environnement chef de file commande un rapport sur l’état de la science à un équipe dirigée par Kortemkamp 2010 : constitution de deux groupes d’experts dédiés, industries et ONG observateurs. Consensus autour du rapport OMS pour la définition mais quid des critères d’identification. Be suject to risk assessment and not only hazard assessment. Lack of impact assessment Définir les critères scientifiques en fonction de leur impact économique. Valide en interne l’idée d’un manque de consensus scientifique. Aperçus de la stratégie de l’industrie : Business impact en fonction de Likelihood to materialize. → Monitor / Prepare / Fight back Exemple de l’industrie des plastiques : PlasticsEurope Critère de puissance / seuil minimal de vente Malik Duhault France, Suède et Danemark sont les pays les plus impliqués. Distinguish endocrine disruptors to endocrine active substance. Etats sur qui on peut compter (en tant que industries) : Angleterre, Allemagne, Irlande CEFIC : lead developing advocacy and communication plan on ED. Le role du financement de la recherche LRI du CEFIC → définir les protocoles de tests. Influencer le débat. Largement utilisé par l’agence européenne, l’OCDE. LRI : science pour un impact politique. On se prévaut de l’autorité morale de la science pour détruire la science. Dossier des critères d’identification bloquées au niveau intergouvernemental. Industriels : contrôle les protocoles, les financements Réforme, cadre réglementaire concerné Etudes doivent être publiées intégralement. Les politiques de recherche publiques sont un enjeu politique fondamental. Dépend des rapports de force politique, des élections. La commission essaye de se débarasser de Segolene Royal Concours de circonstance pour trouver les documents. Banalité du mal. Société anonyme à responsabilité limitée. Mécanismes légaux d’évasion de responsabilité. L’agence de sécurité alimentaire est dans une situation de déni car elle n’a pas les moyens de sa mission. Aucun des experts de l’EFSA n’est payé. Elle ne veut pas prendre en compte le financement de leurs experts. Forcer les universités à faire des partenariats public privé. Questions inemployables. 3.) Conflit endocrinien, perturbateurs d’intérêts / Stéphane Horel (Journaliste indépendante) Plusieurs étapes de cette bataille entre endocrinologue et toxicologue Manufacture du doute Les stratégies s’adaptent au contexte. Attaque et décrédibilisation des études et des scientifiques indépendants Production de matière scientifique Légitimation par la publication Univers orwellien de la sound science / junk science (académique, indépendante, sur fond public) Rapport de Kortemkamp --> attaqué par une revue scientifique, employé de firmes de défense de produit. Critique financé par American Chemistry Council, lobby de l’industrie chimique. Critique sur les méthodologies. Cabinets de défense de produits : Exponent, Gradient, Intertek, The Weinberg group à emploie des scientifiques. Défendre des produits qui sont menacés par des reglementations et des procès. 2013 : Blitzrieg et lettre à Anne. Mai : Desaccord interne. Juin : harcélement pour une étude d’impact. L’industrie harcèle la commission pour faire une étude d’impact parce que ça dure longtemps. 17 juin : Anne Glover. Des scientifiques qui demandent aux pouvoirs publics de ne pas reglementer pour protéger la santé publique.14 revues scientifiques publiées simultanément : une approche de protection sans fondement scientifique, défit le sens commun, la science établie et les principes de l’étude de risques. Article twittée par l’industrie des pesticides. 50 / 68 scientiques liés à l’industrie dont 25 ont des mandats dans des groupes d’experts de la commission européenne. Helmut Greim, Daniel Dietrich, Wolfgang Dekant 20 juin : letter à la direction Générale du DG environnement. Catherine Day est informée, secrétaire générale de l’administration. Communauté des parties prenantes à pseudo controverse scientifique. Déraillement du processus qui devait s’achever en décembre 2013. Mars 2013 : Rapport OMS PNUE « une menace mondiale à laquelle il faut apporter une solution » Le SEFIC envoie une critique aux personnes générales de l’UE responsables de ce projet. Critical comments on the WHO-UNEP State of the science of Endocrine disrupting chemicals (2012) revue Regulatory Toxicology and Pharmacology, publications sponsorisées par l’industrie. International society of regulation toxicology and pharmacology. Elle ne dévoile plus ses sponsors. Avant, lien avec l’industrie du tabac. Très court délai de relecture par les pairs. Endocrine disruption : Fact or urban legend ? Nohynek directeur chez l’oréal, Dietrich, Bogert (veut créer sa boite) 12 avril 2016 : consensus de Berlin. La commission excuse son retard en disant que les scientifiques sont pas d’accord. Réunion de consensus. Un document est signé où il est dit que le critère de puissance (on prend les pires) est éliminé. 11 mai 2016 : Well known scientists ready to stem the onslaught of pseudosciences in the EU. Ils dissent au commissaire européen que la notion de puissance a beaucoup d’importance. Ils payent pour faire un article dans une newsletter. Retweeté par des personnes en lien avec l’industrie. Nature : correspondance. EU safety regulations : Dont mar legislation with pseudoscience. Aucun conflit d’intérêt déclaré. La commission prend comme référene bibliographique des rapports qui ont été mandatés par des sociétés de défense de produits pour mettre en cause la rapport de l’OMS. L’rargent public est utilisé pour citer des articles sans fondement académique. En Allemagne, la question des PE est inexistante.Traumatisme avec le diesel gate : les entreprises qui nous veulent du bien nous auraient donc menti. Fierté de l’industrie chimique. Elle est pigiste au Monde + rapports sur France 5 et ses livres Les journalistes doivent toujours préciser qu’ils sont organisés par l’ONG, quand ils rentrent en contact avec les sources. Les industries tracquent les faux pas des journalistes pour les discrediter. Human biometering for you : projet européen pour promouvoir une meilleure santé pour tous. Absence dans la liste des substances prioritaires des pesticides. Science based decision making. Interet stratégique pour les industriels aujourd’hui. Pas d’organisation pour défendre les intérêts des chercheurs académiques.