Compte-rendu entretien avec Stephane Orel

Lieu et date de la rencontre : Café Chez Gaston en face du Bataclan, 15 mars.
Pourquoi l’avons nous rencontrée ?
Points clefs de l’entretien : La controverse (scientifique) n’existe pas, c’est une controverse montée de toutes pièces du fait que les intérêts des différents acteurs entrent en apparence en conflit. Ce qui donne l’impression qu’il y a controverse c’est le funding effect : des scientifiques (souvent organisés en cabinets de lobbying) publient des résultats contradictoires avec ceux de la communauté scientifiques parce qu’ils sont employés par des industries que la réglementation embête. Ce qui est hyper intéressant avec cette controverse c’est qu’elle reflète un dysfonctionnement de la démocratie européenne : l’opacité du processus de décision empêche la mise en place de régulations pourtant urgentes.

Elle :

Journaliste (études de russe et anglais puis ESFJ) d’abord pour Le Monde puis un autre journal maintenant disparu, puis décide de s’indépendantiser. Elle a commencé à s’intéresser aux PE en 2006-2007 de façon circonstancielle (amis touchés, problématique qui l’intéresse, …). Attention il ne s’agit pas pour elle d’un combat politique (elle déteste le terme “militant” qui est connoté négativement) : il s’agit d’un TRAVAIL D’ENQUÊTE. Elle fait la demande d’accès à des tas de documents à la Commission Europ., aux agences de santé, aux entreprises, … qu’elle épluche, synthétise, … Parfois une partie des docs est censurée (plages grises) : elle peut contester ça en justice (exceptions prévues par la loi mais parfois abus). Dans son travail elle a démontré que certaines firmes influent sur la prise de décision (courriers, …).

La controverse :

IL N’Y A PAS DE CONTROVERSE ! Il y a un consensus scientifique, du moins entre les scientifiques qui ne sont pas dans des CONFLITS D'INTÉRÊT. C’est donc une controverse CONSTRUITE, MONTÉE DE TOUTES PIÈCES. → Dans quel but ? Tout simplement parce que les différents acteurs ont des intérêts qui EN APPARENCE entrent en conflit : les industriels défendent les intérêts commerciaux, les ONG l’intérêt général, les scientifiques la science.

Quel consensus ?

Même si on ne sait à l’heure actuelle décrire les mécanismes précis, on a suffisamment d’éléments pour établir un lien entre PE et certains phénomènes (multiplication des cancers, puberté précoce, …). CONFÉRENCE DE WINGSPREAD en 1991 : apparition du terme “perturbateurs endocriniens”

Qui sont ceux qui s’opposent à la “vraie version” ?

Scientifiques sous contrat : par définition, ils ne sont pas neutres. C’est ce qu’on appelle le FUNDING EFFECT (biais de financement) : leurs études vont être ciblées sur les aspects du problème qui intéressent l’entreprise qui les embauche, leurs résultats influencés par les attentes de la hiérarchie. Ils sont souvent regroupés dans des CABINETS DE LOBBYING SCIENTIFIQUE, comme EXPONENT ou GRADIENT, dont le but est la défense des produits menacés par la réglementation (Monsanto par exemple emploie Exponent sur la question du RoundUp). Les entreprises : 4 secteurs : chimique, cosmétique, pesticides et plastique. Elles s’adressent directement à la Commission en se positionnant (clairement ou non) contre le PRINCIPE DE PRÉCAUTION. THÉORIE DE LA CAPTURE DU RÉGULATEUR : la participation des industries à la réglementation est une caractéristique démocratique. Problème : cela passe par le lobbying qui est un processus opaque. Elles font pression EN SE REGROUPANT Les groupes les plus influents : BAYER et BASF, des groupes chimiques allemands. A l’intérieur de la Commission : La Direction Générale entreprises qui joue sur l’hostilité La DG consommateurs (censée protéger les consommateurs mais a une position ambiguë car s’oppose à la DG environnement).

Qui la défendent ?

Les scientifiques : ENDOCRINE SOCIETY : regroupement de scientifiques qui organise des rdv avec des fonctionnaires et parlementaires pour les sensibiliser OMS dont le rapport a été attaqué par les industries Les agences de santé environnementale : HEALTH & ENVIRONMENT ALLIANCE qui représente des associations de santé européennes. PESTICIDE ACTION NETWORK (version française : générations futures !) CLIENTEARTH : une ONG de juristes (arrivée plus tardivement dans la controverse). Ce sont des acteurs politiques avec des connaissances techniques sur la question. Important : elles sont PEU par rapport aux nombre de firmes. La DIRECTION GÉNÉRALE DE L’ENVIRONNEMENT : Appartient à la Commission européenne Des politiques : Députés EELV Royal fait pression sur la commission NB : Les arguments pour la réglementation ne concernent pas seulement la santé publique mais aussi l’économie ! Soigner les maladies liées aux PE coûte environ 657 milliards d’euros par an à l’Europe !!!

Comment progresse l’émergence de la question dans l’espace public ?

Hamon a amené la question sur la scène politique française Les associations de consommateurs ne se sont pas encore impliquées dans le débat mais vont peut-être le devenir avec la prise de conscience progressive C’est un sujet QU’ON PRESENTE COMME TECHNIQUE donc n’intéresse pas forcément. C’est une technique pour éviter la médiatisation du sujet. Il est important de faire émerger ce sujet comme problème politique car il RÉVÈLE LE DYSFONCTIONNEMENT DE LA DÉMOCRATIE EUROPÉENNE. C’est une question qui se rajoute à certaines raisons de REPENSER LA SOCIÉTÉ DIFFÉREMMENT.

A l’heure actuelle, où en est la réglementation ?

DÉCEMBRE 2013 : date butoir de la Commission pour donner une définition consensuelle des PE. Bien sûr ça n’a pas été fait. DÉCEMBRE 2015 : la Commission est condamnée par la CJUE pour ne pas avoir respecté les droits de l’Union. JUIN 2016 : reprise des négociations autour de la définition, toujours en discussion aujourd’hui. Mais ce qui est proposé n’est selon elle pas à la hauteur de l’enjeu. LA DG ENVIRONNEMENT A ÉTÉ DESSAISIE du dossier parce que clairement elle emmerde la Commission. Mais ça a pas du tout été médiatisé ! (Elle était la seule journaliste présente à cette réunion là). Elle est toujours consultée mais seulement en interne. PROCESSUS OPAQUE : en fait, la question n’est proposée au vote que si la Commission pense qu’il va y avoir une majorité qualifiée. En plus, LA COMMISSION ELLE-MÊME FAIT DU LOBBYING AUX ETATS MEMBRES (propose des contreparties pour que le projet de loi soit accepté). Mais Horel pense qu’à la prochaine réunion il y aura un vote.

Quelle serait-elle ?

Importance de l’EFFET COCKTAIL -> il faut une réglementation GLOBALE. Ce qui va probablement être fait (en fait c’est ce que proposait la DG environnement), c’est quelque chose qui ressemble à ce qui est actuellement prévu pour les CANCÉROGÈNES : classification selon probabilité de cancérogénicité. Ensuite chaque pays choisit de la réglementation qu’il applique pour chaque catégorie. En termes de pays, où en est la question dans le monde ? Au niveau européen, la France est plutôt un pays leader dans le domaine (c’est par exemple le premier pays européen à avoir mis en place une réglementation du bisphénol A). Ce sont surtout les entreprises allemandes qui font freiner les négociations. Aux US, le sujet est primordial mais la réglementation impossible du fait du fonctionnement de la législation (le règlement des conflits se fait en aval dans les tribunaux). Ils sont IMPLIQUÉS DANS LA QUESTION EUROPÉENNE du fait de l’alignement législatif nécessaire au niveau commercial.

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