La mise en place de la SCMR a été confrontée a un certain nombre d'obstacles, notamment concernant la localisation de la salle et le cadre législatif dans lequel elle s'inscrit.
La localisation à l’épreuve
À l’origine, la salle de consommation devait se situer près de la gare du Nord, mais un camp de réfugiés a rendu la localisation impossible. La localisation de la salle a donc ensuite été prévue à proximité de l’hôpital Lariboisière. Dans un article de l’association Action Barbès datant du 23 juillet 2013, Rémi Féraud, maire du Xe arrondissement, motive les différents choix d’implantations pour la salle. Ainsi, plusieurs solutions se présentaient pour l’emplacement de la salle de consommation. Dans un premier temps, l’hôpital Lariboisière où un emplacement existait déjà, et donc où un permis de construire n’était pas nécessaire. Aussi, la SNCF a proposé deux emplacements, des locaux rue de Maubeuge, ou le 39 boulevard de la Chapelle.
Les locaux proposés rue de Maubeuge par la SNCF étaient cependant très exigus et il n’y avait pas d’espace extérieur disponible. Aussi, c’est l’adresse du 39 boulevard de la Chapelle qui a été retenue au départ, en 2013. La disposition des locaux convenait le mieux d’un côté pratique pour l’installation de la salle de consommation. Cependant, ce choix a fait l’objet de nombreuses contestations. Effectivement, deux écoles se trouvaient à proximité du 39 boulevard de la Chapelle. Les riverains étaient opposés à ce que la SCMR ouvre si proche d’écoles. Des banderoles de manifestations devant le bâtiment du 37 boulevard de la Chapelle furent affichées. Les riverains y dénoncent l’installation de la salle de consommation à proximité de cette école.
De nombreuses manifestations de riverains ont donc eu lieu en 2013 pour s’opposer au choix de l’adresse pour la salle de consommation. Des « appels à la vigilance citoyenne » ont ainsi été lancés, pour manifester contre l’ouverture de la salle au 39 boulevard de la Chapelle. Plus qu’à l’implantation d’une salle de shoot, de nombreux individus se sont opposées au choix de cet emplacement. En outre, pour Rémi Féraud, le 39 boulevard de la Chapelle serait finalement trop difficile d’accès pour les toxicomanes. C’est donc finalement les locaux de l'Hôpital Lariboisière qui seront retenus en 2015.
Un désaccord juridique
La loi numéro 70-1320 du 31 décembre 1970, publiée dans le journal officiel de la République Française le 3 janvier 1971 est relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage des substances vénéneuses. Diverses mesures concernant la consommation de drogues ont ainsi été établies en 1970. Ainsi le livre III du code de la santé publique a été complété à l’époque par l’article 1. 355-14, qui dispose que « Toute personne usant d’une façon illicite de substances ou plantes classées comme stupéfiants est placée sous la surveillance de l’autorité sanitaire ». Aussi, si un individu présente des signes de dépendance, il doit être soumis à un examen médical. Si cet examen s’avère être positif, l’individu doit suivre une cure de désintoxication, sous le contrôle d’une autorité médicale compétente. Aussi, des mesures pénales sont mises en place dans la loi pour lutter contre la consommation et la disposition de drogues. L’article L. 626 dispose ainsi que « Seront punis d’un emprisonnement de 2 mois à deux ans et d’une amende de 2000 F à 10 000F ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui auront contrevenu aux dispositions des règlements d’administration publique concernant la production le transport l’importation l’exportation la détention l’offre la cession l’acquisition et l’emploi des substances ou plantes ou la culture des plantes classées comme vénéneuses par voie réglementaire ainsi que tout acte se rapportant à ces opérations ». C’est à cette loi que la mise en place de la Salle de Consommation à Moindre Risque s’est retrouvée confrontée. Les dispositions de santé publiques n’avaient en effet pas évolué depuis 1970.
En décembre 2009, Jean-Marie Le Guen est chargé des questions de santé au sein du Parti Socialiste défend devant le Conseil de Paris du 14 décembre 2009 la mise en place d’une SCMR. Lors de la réunion, Jean-Marie Le Guen défend l’idée selon laquelle le plan national de lutte contre les hépatites B et C en février dernier mis en place par la Ministre de la Santé et de la Jeunesse et des Sports manquait de volonté politique, et n’avait pas répondu aux attentes des professionnels et des associations engagées dans la lutte contre ces épidémies. Face à cette insuffisance, Jean-Marie Le Guen explique que six associations engagées dans la réduction des risques et l’aide aux usagers (Asud, Act Up - Paris, Anitea, Gaïa, Safe, Sos Hépatites Paris) ont mis en place une salle de consommation de drogues à moindre risque, lors de la Journée mondiale des hépatites du 19 mai dans les locaux de l’association Asud. C’est dans cette optique que Jean-Marie Le Guen souhaite ainsi lancer une première expertise sur le sujet. La ville de Paris vote alors une subvention de 26 000 € à l’associations ESPT (Elus, santé publique et territoires) afin qu’elle mette en place une expertise sur les salles d’injections, dans l’optique d’une possible expérimentation.
En Juin 2010, l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médical (INSERM) rend des conclusions sur son expertise collective au ministère de la santé. Celle-ci a été réalisé à l’aide de quatorzes experts regroupant des épidémiologistes, sociologues, économistes, professionnels de la santé publique, psychiatres, hépatologues et addictologues. Selon les conclusions de cette expertise, les centres d’injection supervisés sont jugés efficaces pour limiter les infections, overdoses et consommations dans les lieux publics.
En 2010 cependant, un clivage politique va ralentir le processus de l’ouverture de la salle de consommation. En effet, la droite au pouvoir est divisée en deux camps. Roselyne Bachelot alors ministre de la santé défendait cependant ce projet. Dans un communiqué de presse du 10 août 2010, elle se montre favorable à l'ouverture de centres de consommation supervisés de drogue.François Fillon, alors premier ministre, se montre défavorable à l’ouverture de la salle.
« Ce n'est ni utile, ni souhaitable [...]. La priorité de Matignon est de réduire la consommation de drogue, non de l'accompagner, voire de l'organiser. » François Fillon, Premier Ministre en 2010
Xavier Bertrand, alors secrétaire général de l’UMP se prononce également sur le sujet, en rejoignant l’avis exprimé par matignon. Il se dit ainsi “vraiment opposé” à l’ouverture d’une telle structure. Le Parti Socialiste et les verts se montrent cependant favorables, et saluent cette initiative. La situation ne changera pas, et les salles de consommation ne sont pas envisagées à nouveau avant que la gauche soit au pouvoir en 2012.
Ainsi, en octobre 2012, Marisol Touraine alors ministre de la santé déclare la volonté de lancer la salle de consommation à moindre risque dans les plus brefs délais. Les débats sont donc relancés sur le sujet. En février 2013, le premier ministre Jean-Marc Ayrault se prononce également en faveur d’un tel projet, et un plan gouvernemental sur quatre ans de lutte contre les drogues et les conduites addictives est lancé en septembre 2013. La Salle de consommation y est alors évoquée, dans la sous-section « Réduire les risques sanitaires et les dommages sociaux.»
L’intervention du Conseil d’Etat et la nouvelle loi santé
En octobre 2013 cependant, le Conseil d’Etat freine le calendrier. Il recommande en effet d’inscrire le dispositif des SCMR dans la loi pour le sécuriser juridiquement. La législation n’ayant pas évolué depuis la loi de 1970, la salle de consommation risquerait d’être pénalisé à son ouverture. Ainsi, un projet de loi relatif à la santé est lancé en octobre 2014. Dans son titre premier « Prévention avant d’avoir à guérir », il est indiqué que «les usagers de drogues dures seront mieux accompagnés ». Une des principales dispositions du projet de loi est donc l’article 9, qui évoque les « Expérimentation des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues ». Cette expérimentation est ainsi lancée sur six ans maximum.
Aussi, la loi du 26 janvier 2016 modernise le système de santé français. Son article 41 modifie la troisième partie du code de la santé publique pour légaliser la salle de consommation à moindre risque. L’article 43 inscrit directement la salle de consommation dans la loi.
Cet article est aussi complété par l'arrêté du 22 mars 2016, portant approbation du cahier des charges national relatif à l’expérimentation d’espaces de réduction des risques par usage supervisé, autrement appelés « salle de consommation à moindre risque » . Dans cet arrêté, l’article 1 précise que « Le cahier des charges national relatif à l'expérimentation d'espaces de réduction des risques par usage supervisés, autrement appelés « salles de consommation à moindre risque », annexé au présent arrêté est approuvé ». En annexe de cet arrêté sont précisés tous les détails pour l’établissement de la salle de consommation. Dans la première partie intitulée « Éléments généraux et cadre national » sont ainsi précisés: contexte, objectifs généraux et spécifiques, cadrage juridique, durée, structures et publics concernées, implantation, financement, pilotage national et évaluation scientifique de l’expérimentation. Dans la deuxième partie « Déclinaison locale du cahier des charges » sont évoqués les missions, la disposition des différents espaces composant la salle de consommation, le matériel et fonctionnement, les protocoles et outils à mettre en place, le règlement de fonctionnement ainsi que la participation au système de veille et alerte sanitaire. La composition de l’équipe, les partenariats et conventionnements, le comité de pilotage local de l’expérimentation et l’évaluation de l’activité y figurent également.
La loi de santé est ainsi adoptée, et approuvée à l’Assemblée en avril ainsi qu’au Sénat en septembre. La première SCMR ouvre ainsi légalement à Paris en octobre 2016, au 4 rue Ambroise-Paré dans l’hôpital Lariboisière.